Avec notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne
Une petite lettre glissée à l’intérieur d’un bouton de métal. Un bout de papier couvert d’une écriture serrée jeté au bord d’une voie ferrée. Un mouchoir brodé confié à un rare visiteur. Ces messages de prisonniers du Goulag sont exposés en ce moment à Moscou par l’ONG Memorial. Des survivants viennent témoigner. Vladimir Kantovski, emprisonné à Moscou en 1945, raconte comment il a appris qu’il allait être père.
« La veille du nouvel an, j’ai reçu une orange. On n’avait pas vu d’orange à Moscou depuis l’arrivée de Franco en Espagne. J’ai commencé à la regarder attentivement, et je me suis rendue compte qu’il y avait une gravure très fine, faite avec une lame : "j’attends une fille". »
Pour Arseni Roginski, président de Memorial, le combat contre l’oppression est toujours actuel : « Le problème central de la vie russe, c’est la relation entre l’homme et l’Etat. De la part du pouvoir russe, que ce soit il y a 100 ans, 20 ans ou aujourd’hui, et pas moins aujourd’hui, l’Etat a toujours raison ; l’homme est là pour l’Etat et pas le contraire. Mais l’homme est plus grand et plus important que l’Etat ; c’est l’Etat qui doit être au service de l’homme et pas l'inverse ! Memorial lutte contre ce mythe de l’Etat, qui dit que dans ce pays il n’y a que l’Etat, l’Etat, l’Etat ! »
C'est ce combat qui vaut à Memorial des ennuis avec la justice russe.