Présenté lundi 13 octobre par le cardinal de Budapest Peter Erdö, le premier rapport provisoire de synthèse résumant les interventions de la semaine dernière réserve trois longs paragraphes à la question de l'homosexualité.
Alors que pour le catéchisme de l'Eglise catholique, l'acte homosexuel reste un péché « intrinsèquement désordonné », la majorité des participants au synode semblent désormais considérer que la commisération ou le rejet des homosexuels ne sont pas évangéliques.
Les personnes homosexuelles « ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne : sommes-nous en mesure de les accueillir en leur garantissant un espace de fraternité ? », s'interroge ainsi le document de travail.
« Sans nier les problématiques morales liées aux unions homosexuelles, on prend acte qu'il existe des cas où le soutien réciproque jusqu'au sacrifice constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires », ajoute-t-il, dans ce qui apparaît comme la première reconnaissance de l'Eglise du caractère potentiellement positif d'une union
« La question homosexuelle appelle à une réflexion sérieuse sur comment élaborer des chemins réalistes de croissance affective et de maturité humaine et évangélique en intégrant la dimension sexuelle », ajoute le texte. « L'Eglise prête une attention spéciale aux enfants qui vivent avec des couples de même sexe, en insistant sur le fait que les droits des petits doivent être toujours au premier rang », conclut-il.
Vives réactions de certains évêques
Pour Marianne Duddy-Burke, directrice de l'association de catholiques gays
Dignity USA, le ton est « incroyablement nouveau », « beaucoup plus respectueux »
vis-à-vis des homosexuels.
« C'est énorme », a estimé Jean-Louis Lecouffe, représentant du mouvement homosexuel chrétien David et Jonathan. « L'arrivée du pape François a été une avancée majeure. Désormais, l'individu est reconnu avant le dogme pur et dur ».
Toutefois, le texte - dont le Vatican a rappelé mardi qu'il s'agissait seulement d'un document de travail - a provoqué de vives réactions au sein même des participants au synode. Des cardinaux africains ont relevé que seules six interventions sur les 180 de la semaine dernière avaient évoqué l'homosexualité, qui reste pour beaucoup de participants un sujet occidental.
D'une manière générale, des évêques ont regretté « la quasi-absence dans le
texte du mot péché et rappelé combien le Christ a fortement condamné le danger
de céder à la mentalité du monde », selon un compte-rendu des débats publié
mardi par le Vatican. Et « une compréhension prudente des homosexuels » ne doit en aucun cas donner « l'impression d'admettre leur orientation sexuelle », ont ajouté des évêques.
« Accueillir le positif là où il se trouve »
Le texte encore provisoire, que le vaticaniste américain John Thavis qualifie de « séisme pastoral » par son approche positive des personnes qui ne sont pas « en règle », ne propose d'ailleurs pas de modifier la doctrine condamnant l'acte homosexuel. Et tout en reconnaissant des « valeurs positives » au mariage civil, les évêques restent unanimes pour le réserver aux couples hétérosexuels.
Le mouvement de « miséricorde » vers l'homosexualité semble cependant transcender la frontière conservateurs/réformistes.
« Sans nul doute, nous avons été lents à assumer un regard respectueux de la dignité et de l'égalité des personnes homosexuelles », a ainsi reconnu Mgr Angelo Scola, le cardinal conservateur de Milan, proche de Benoît XVI, dans une interview au quotidien Repubblica.
Selon Mgr Bruno Forte, secrétaire spécial du synode, très proche du pape, le sens du document est « d'accueillir le positif là où il se trouve, également dans ces expériences ».
Cette semaine, des ateliers de travail vont plancher dur. Et un texte sera soumis au vote samedi. Il y aura sûrement des retouches, des retraits, des ajouts. Mais la manière d'aborder le sujet apparaît déjà totalement nouvelle. Jorge Bergoglio avait donné le ton dès les premiers mois de son pontificat, en déclarant dans l'avion qui le ramenait de Rio en 2013 : « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour juger ? »