Prix Nobel de la paix 2014: les droits de l'enfant à l'honneur

Après deux récompenses remises à des organisations - l'UE et l'OIAC -, le comité Nobel norvégien a décidé de se recentrer sur des personnalités, un homme et une femme, défendant les droits humains, en l'occurence ceux des enfants. L'Indien Kailash Satyarthi, déjà auréolé de nombreux prix, et la Pakistanaise Malala Yousafzai, victime des talibans pour sa campagne en faveur de la scolarisation des jeunes filles dans son pays, sont les lauréats 2014. Portraits.

Une Pakistanaise et un Indien ; une musulmane et un hindou ; tout un symbole pour le président du comité Nobel norvégien Thorbjörn Jagland, qui souligne que ces deux personnalités aux parcours très différents se sont retrouvées dans un combat commun pour l'éducation des enfants et contre l'extrémisme. C'est un prix pour les enfants, qui doivent d'après le comité Nobel aller à l'école et ne pas être exploités à des fins économiques, rapporte notre correspondant à Oslo Grégory Tervel.

Aujourd’hui, 168 millions d'enfants travaillent dans le monde. Le président du comité a indiqué que le respect des droits des enfants était une condition du développement de la paix sur Terre. Ce combat contre leur oppression participe à la fraternité entre les nations, l'un des critères du testament d'Alfred Nobel pour recevoir ce prix.

Malala Yousafzai, militante rescapée

Il y a presque deux ans jour pour jour, Malala Yousafzai était la cible d’une tentative d’assassinat de la part des Talibans. Aujourd’hui, elle partage le prix Nobel de la paix 2014.

Ce prix représente la consécration pour cette adolescente militante du droit à l’éducation, qui mène désormais son combat en exil depuis qu’elle a été la cible des talibans. Notre correspondante à Islamabad, Gaëlle Luciaa Berdou, fait part d'un grand sentiment de fierté animant des Pakistanais devant ce prix Nobel.

C’est la première fois qu’une de leurs concitoyennes reçoit ce prix, pour un combat qui tient à cœur à beaucoup de gens dans ce pays qui plus est. Des millions d’enfants pakistanais ne vont toujours pas à l’école par manque de moyens, d’infrastructures ou à cause de l’insécurité qui règne dans certaines régions. Le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif a parlé dans une déclaration d'un « accomplissement inégalé de la part de Malala Yousafzai ».

Mais Malala n’a pas que des amis au Pakistan. Les talibans menacent encore de s’en prendre à sa vie. C’est pour cela qu’elle vit en exil. Et plusieurs personnes la croient, encore aujourd’hui, manipulée par des intérêts étrangers dans le but de ternir l’image du pays. Ce discours est régulièrement entendu au Pakistan. Un sentiment qui pourrait se retrouver renforcé par le fait que le prix a été remis conjointement à un militant indien des droits de l’enfance, alors que l’Inde est le rival historique du Pakistan. D'autant que la tension a escaladé ces derniers jours entre les deux pays, avec des échanges de tirs dans la région contestée du Cachemire. Ces tirs ont fait une quinzaine de victimes civiles.

Kailash Satyarthi, ange gardien

Moins connu du grand public, ce militant indien des droits de l'homme se bat depuis des dizaines d'années - avec succès - contre l'exploitation des enfants. Après l'annonce de son Nobel, Kailash Satyarthi s'est dit « ravi » de ce prix, affirmant qu'il s'agissait « d'une reconnaissance de la souffrance de millions d'enfants à travers le monde ». Il a déclaré que c'était avant tout « un honneur pour tous les Indiens, et tous les enfants victimes de trafic, d'esclavage et de travail forcé, » relate notre correspondant à New Delhi, Antoine Guignard.

Ce prix récompense en effet le combat acharné que cet homme de 60 ans mène dans l'ombre des projecteurs médiatiques depuis des dizaines d'années. Méconnu à l'international, M. Satyarthi est pourtant l'un des leaders du mouvement Bachpan Bachao Andolan, qui lutte contre l'exploitation des enfants en Inde depuis les années 1980. Ce mouvement est réputé pour avoir libéré près de 80 000 enfants du joug de la servitude. Il est également à l'origine d'un amendement dans la loi indienne, qui rend obligatoire depuis 2010 le droit à l'éducation pour les enfants dans le pays. On estime qu'en Inde, le travail forcé concerne 50 millions d'enfants, dont au moins 5 millions sont victimes de trafic humain.

Partager :