Mémorandum de paix en Ukraine: entre méfiance et espoir

Au lendemain de la signature à Minsk d'un mémorandum de paix, il reste encore beaucoup à faire, d'autant que la trêve actuellement en vigueur est très fragile, violée quasiment chaque jour. Mais en Ukraine, on veut y croire. Si à Lougansk, dans l’est, la population reste méfiante et redoute une reprise des combats, à Lviv, à l'ouest, pourtant très patriotique, les habitants sont prêts à accepter l’idée que le Donbass soit sacrifié au bénéfice de la paix.

Dans le village de Novosvetlovka, où s’est rendu notre correspondant dans la région, Laurent Geslin, à quinze kilomètres de Lougansk, une centaine de personnes sont mortes durant les combats de l'été. Trois femmes préparent à manger dans la cour de leur immeuble détruit. Ici, il n'y pas d'électricité et personne n'a entendu parler de l'accord signé cette nuit. Personne ne croit plus les promesses des politiciens.

Un peu plus loin, sur un barrage tenu par des combattants séparatistes, le ton se fait plus martial. « Il faut reprendre toute la région avant de signer un cessez-le-feu », s'exclame un soldat. Dans le centre de Lougansk, l'électricité revient peu à peu, mais l'eau manque encore, tout comme les produits de première nécessité.

Pavel possède une entreprise de transport. « L'Ukraine veut fixer les frontières sur le territoire que contrôle en ce moment la LNR. Cela représente la moitié du territoire des régions de Lougansk et de Donetsk, dénonce-t-il. La LRN au contraire voudrait récupérer toute la région. Comment y parvenir ? Ce n'est de ma compétence. Les gens voudraient vraiment que la guerre s'arrête. Les gens sont fatigués. » Comme beaucoup, il espère surtout la paix.

« Je ne crois pas que Poutine s’arrête là »

Un sentiment partagé, à Lviv, à l’ouest du pays, où se trouve notre envoyé spécial, Sébastien Gobert. Le maire Andriy Sadoviy a certes dénoncé le processus de paix comme une trahison et une défaite. Mais la plupart de ses administrés ont avant tout le sentiment d'avoir payé un lourd tribut à la révolution puis à la guerre. Aujourd’hui, ils souhaitent que s'arrête le défilé de cercueils de soldats. « Ce mémorandum est une très bonne décision, car c'est une chance de tout arrêter. Mais je ne crois pas que Poutine s'arrête là », prédit Pavlo Kuznitsov, un jeune Lvivien dont certains amis sont mobilisés sur la zone de guerre.

Mais si le président russe en venait à s'arrêter là, ce qui ressort des conversations, c'est que le Donbass serait un prix acceptable à payer. Comme beaucoup de Lviviens, Taras Vovk considère que l'Ukraine peut survivre sans cette région russophone et russophile : « Ils n'éveillent aucune colère ou agression en moi. Mais depuis l'indépendance du pays, je comprends qu'ils sont différents et qu'ils ne tolèrent pas nos valeurs nationales. Je ne pense pas que l'on puisse jamais former un seul et même pays ». Si Lviv se considère comme le berceau de l'idée nationale ukrainienne, le patriotisme semble avoir trouvé ses limites sur les steppes ensanglantées du Donbass.

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