Attentat de Sarajevo: une commémoration qui ne fait pas consensus

C’était il y a tout juste un siècle à Sarajevo. L’anarchiste serbe Gavrilo Princip assassinait l’archiduc François Ferdinand, un évènement qui allait entraîner toute l’Europe dans la guerre. Dans le cadre de la Mission du centenaire, la capitale de la Bosnie-Herzégovine devient le cœur de l’Europe avec une programmation culturelle chargée d’histoire et de symboles, des commémorations que les Serbes ont décidé de boycotter.

Avec notre envoyé spécial à Sarajevo, Grégoire Sauvage

Ni François Hollande, ni Angela Merkel, ni aucun des grands dirigeants européens n'ont fait le déplacement à Sarajevo aujourd'hui. La France est représentée par son ministre des affaires européennes, Harlem Désir.

Si l’Europe a choisi des commémorations discrètes, c’est parce qu’elle n’a pas de message politique à offrir à ce pays divisé et très éloigné ne serait-ce que de l’antichambre de l’Union. Les dirigeants européens craignaient également, par leur présence, de raviver les tensions entre Serbes et Bosniaques. C’est pour cette raison que l’idée d’une programmation culturelle, plutôt modeste au regard de l’importance de l’évènement, a été retenue.

La Bibliothèque Vijecnica et le Pont latin, deux lieux symboliques

Malgré ces précautions, les Serbes ont décidé de ne pas participer à ces commémorations qui prennent une tournure politique à quelques mois des élections d’octobre prochain.

Les autorités de Belgrade et les autorités serbes de Bosnie dénoncent notamment une plaque commémorative ornant la façade de la Bibliothèque nationale Vijecnica faisant référence aux « criminels serbes » ayant incendié le bâtiment lors du siège de la ville par l'armée serbe en 1992.

C’est dans ce bâtiment qu’aura lieu l'un des deux temps forts qui devraient marquer cette journée historique pour l’Europe, un concert de l’orchestre philharmonique de Vienne en présence du président autrichien, Heinz Fischer. La bibliothèque, construite à l’époque de la domination austro-hongroise vient tout juste d’être restaurée et a réouvert le mois dernier. C’est en sortant de l’une des salles de réception de ce bâtiment que l’archiduc François Ferdinand a été assassiné le 28 juin 1914.

Le deuxième temps fort de ces commémorations est une performance qui se déroulera ce samedi soir aux abords du Pont latin, là où l’archiduc et son épouse ont été tués il y a un siècle par Gavrilo Princip, un anarchiste serbe qui continue de diviser la Bosnie. Il est souvent perçu comme un terroriste par les Bosniaques, alors que les Serbes, eux, le considèrent comme un héros. Hier vendredi, les autorités serbes ont d’ailleurs inauguré une statue de 2 mètres de haut du meurtrier de l’archiduc dans l’est de la ville et annoncent poursuivre leur propre programme de commémoration.

« Chacun a sa propre lecture de l'histoire »

« C’est tout à fait légitime de la part des Serbes de poursuivre leur propre programme de commémorations, explique le maire croate de Sarajevo, Ivo Komsic. Ils ont toute autorité sur ce territoire et le fait qu’ils veuillent ériger une statue de Gavrilo Princip ne pose aucun problème. Chacun a sa propre lecture de l’histoire. En Europe également, il y a des différences dans l’analyse des évènements passés, pourquoi n’en serait-il pas de même ici en Bosnie-Herzégovine ? Les évènements historiques ont eu ici des conséquences différentes en fonction des personnes, il est donc logique qu’il y ait aujourd’hui différentes perceptions de l’histoire ».

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