La droite majoritaire au Parlement européen

Les formations nationalistes et anti-européennes progressent un peu partout en Europe à l’issue des élections au Parlement européen. Il peut s'agir, selon les pays, des formations de la gauche radicale ou de l'extrême-droite, parfois des deux à la fois. La droite reste majoritaire au Parlement européen. Tour d’horizon avec nos correspondants et envoyés spéciaux.

► à noter ce lundi : le magazine Décryptage est consacré aux « visages européens du populisme » (rendez-vous sur notre antenne à 17h10 TU soit 19h10 heure de Paris)

Le premier enseignement de ce scrutin est que la droite conserve le plus grand nombre d’élus au Parlement, alors que les extrêmes progressent au sein de l’Union européenne.

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► Au Parlement européen, les grandes familles politiques sont de fait toutes en recul, précise notre envoyée spéciale à Bruxelles, Béatrice Léveillé. Le Parti populaire européen arrive en tête du scrutin avec 212 sièges contre 273 dans le Parlement sortant, soit 61 sièges de moins pour le groupe de droite et du centre au Parlement. Une forte érosion qui ne profite pas aux socialistes qui font un moins bon score qu’en 2009, avec 185 élus contre 196. Les libéraux-démocrates s’effondrent en Grande-Bretagne, face au raz de marée eurosceptique, sont en troisième position avec 71 élus, contre 83 dans l’hémicycle sortant. Ces trois grandes familles, qui géraient un peu la maison, vont devoir s’entendre et faire des compromis pour désigner le prochain président de la Commission européenne et les tractations ne font que commencer. Les groupes parlementaires se retrouvent dès ce lundi soir à Bruxelles.

Jean-Claude Juncker, le chef de file du PPE, a revendiqué dès dimanche soir le poste pour sa formation puisqu’il dispose d’une avance de 27 sièges. Le groupe socialiste de Martin Schulz, même avec les libéraux démocrates, n’a pas les 376 voix nécessaires pour appuyer sa candidature. Martin Schulz peut-il rassembler plus de voix ? Des négociations vont s'engager avec les chefs de file des grands groupes et ils ont tous intérêt à se mettre d’accord et à ne pas laisser les chefs d’Etat et de gouvernement choisir à leur place. Ce serait un échec, puisque ce qui différenciait ces élections européennes des précédentes, c’est justement le mode de désignation du successeur de Jose Manuel Barroso, par le Parlement et non pas par le Conseil qui rassemble les 28 chefs d’Etat et de gouvernement.

► Le choc FN à Bruxelles. Dimanche soir à Bruxelles, le cas de la France et le résultat du Front national – plus de 25 % des suffrages – ont créé un choc. Les eurodéputés présents à Bruxelles dimanche soir ne cachaient pas leur déception en apprenant qu’en France, Etat fondateur et l'un des plus grands de l’Union européenne, un électeur sur quatre a voté pour le Front national, c'est-à-dire contre l’Europe.

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Les eurodéputés qui rejettent l’Union européenne sont plus d’une centaine au Parlement, avec de vrais extrémistes, comme les eurodéputés grecs, néo-nazis d’Aube dorée ou les Hongrois du parti raciste anti-Rom Jobbik. L’ambiance risque d’être tendue au Parlement, et pas seulement entre pro et anti-européens. Les eurosceptiques auront du mal à s’entendre pour former un groupe ou plusieurs groupes : il faut en effet rassembler au moins 25 députés de sept pays différents. Tous ces partis ont en commun leurs visées nationales, leurs préoccupations n’est pas de participer au bon fonctionnement du Parlement et des institutions européennes. Les initiatives et débats parlementaires ne les intéressent pas et ils feront comme ils l’ont fait précédemment : se servir de l’hémicycle comme d’une caisse de résonnance pour s’adresser à leurs électeurs. Mais ces europhobes sont désormais nombreux, et il est encore difficile d’imaginer quelle sera leur capacité de nuisance.

► Un séisme pour la presse européenne. « Séisme », « tremblement de terre », « choc » sont les termes qui reviennent le plus souvent dans les commentaires sur la poussée des formations europhobes et populistes. Pour le quotidien espagnol El Mundo, « l’extrême droite déferle sur la France ». Ses confrères britanniques du Daily Mail vont encore plus loin, en prévenant que « Marine Le Pen mène la marche de l’extrême droite sur l’Europe ». Comme la plupart des médias allemands, Frankfurter Allgemeine Zeitung fait sa Une sur le triomphe du Front National, mais le journal ne croit nullement que celui-ci devrait décourager les europhiles, bien au contraire. « Le slogan ‘plus d’Europe’ – écrit-il – devrait être pris au sérieux ». Die Welt, lui, parle d’une « débâcle » pour le président Hollande, mais d’autres dirigeants européens prennent aussi pour leur grade. Selon le Times, le succès du parti europhobe Ukip est une « humiliation » pour le Premier ministre britannique David Cameron. El Pais et El Mundo parlent de « forte sanction » contre les deux principaux partis espagnols. qui titre

Au Royaume-Uni, Nigel Farage savoure sa victoire ce lundi, rapporte notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix. C’est en effet la première fois en plus d’un siècle qu’un parti autre que les Conservateurs et les travaillistes remporte un scrutin national.

On n’attend plus désormais que les résultats en Ecosse où le Ukip devrait rafler son premier siège, ce qui veut dire qu’il l’emporte dans chaque région du Royaume Uni et devient une vraie force politique nationale. Avec pour l’heure 28 % des voix, le Ukip obtient donc 23 eurodéputés, 10 de plus qu’en 2009 devant les travaillistes qui en comptent 18 et dont les résultats s’avèrent décevants. Les Conservateurs au pouvoir sont relégués en troisème position et 18 sièges.

Pour les libéraux-démocrates europhiles, membres de la coalition, c’est la débâcle, avec seulement 7 % des voix, ils sont presque rayés de la carte en ne conservant qu’un siège de député. Autant dire que pour la classe politique traditionnelle l’heure d’une sérieuse remise en question a sonné : le succès du ukip devrait avoir un impact immédiat et obliger les autres formations à clarifier voire à radicaliser leurs positions sur l’Europe dans un pays largement eurosceptique, et la perspective d’un referendum sur le maintien ou non du pays au sein de l’Union européenne semble plus proche que jamais. 

L’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union européenne et celui qui envoie donc le plus de députés au Parlement européen. Effectivement, les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel arrivent en tête avec un peu plus de 35 % des suffrages. Mais ils engrangent malgré tout leur plus mauvais résultat à des élections européennes, notamment en raison du mauvais score du parti frère bavarois. En revanche dimanche soir, les sociaux-démocrates qui gouvernent avec les chrétiens démocrates se sont félicités d’avoir augmenté leur score de 7 points par rapport aux Européennes de 2009.

Les analyses montrent d’ailleurs que la personnalité de Martin Schulz, le candidat des sociaux-démocrates allemands et européens pour la présidence de la République, a joué un rôle dans ce relatif bon succès, explique notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. L’autre fait marquant de ce scrutin en Allemagne, c’est la percée des eurosceptiques de l’Alternative pour l’Allemagne, qui obtiennent 7 % environ des voix, ce qui leur donne 7 des 96 sièges allemands au Parlement européen. Enfin, dernier fait marquant, la participation était en hausse sensible, de 5 % par rapport à 2009.

En Italie, avec plus de 40 % des suffrages, c’est même un triomphe. A 39 ans, après seulement trois mois à la tête du gouvernement, Matteo Renzi emmène son parti à une victoire sans précédent car jamais la gauche n’a eu un tel score dans son histoire, rapporte notre correspondante à Rome, Anne Tréca. C’est même mieux que la démocratie-chrétienne du temps de sa gloire.

On retient aussi que les Italiens ont donc choisi massivement de soutenir la famille politique la plus européiste. C’est une victoire pour l’Europe et un signe de stabilité pour le pays. Et pour l’assemblée de Strasbourg, la présence chez les démocrates d’un groupe de députés en mesure de faire jeu égal avec les Allemands.

A l’inverse le grand perdant de ces élections, c’est Beppe Grillo, l’ancien comique prend seulement 21 % des suffrages. Un flop. La violence de sa campagne contre les institutions n’a pas payé, pas plus que son projet de référendum sur l’euro. En un an, il a perdu plusieurs millions d’électeurs et cela non plus les sondeurs ne l’avaient pas du tout prévu. Derrière lui, Silvio Berlusconi reste en piste avec 16% des votes. Un tour de force pour un homme condamné pour fraude fiscale et inéligible. Mais c’est un échec pour la droite, qui n’a pas su mobiliser son électorat.

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