Le nouvel aéroport de Berlin ne décolle pas

Des retards de plusieurs années, un coût de plus en plus astronomique, des erreurs de planification invraisemblables et toujours pas de décollage en vue : le nouveau grand aéroport de Berlin est un fiasco. Vendredi dernier, une réunion de 12 heures du conseil de surveillance s’est terminée sans résultat. Le patron du projet réclamait une rallonge d’un milliard d’euros supplémentaires.

De notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut

Le projet de nouvel aéroport a vu le jour après la chute du Mur. Les pronostics optimistes sur la croissance de la capitale allemande ont alors poussé les responsables politiques à développer les infrastructures. La création d’un nouveau grand aéroport baptisé du nom de l’ancien chancelier social-démocrate et maire de Berlin Willy Brandt allait de pair avec la fermeture des sites plus anciens de Tegel et Tempelhof, à l’ouest de la ville.

La longue mise en œuvre du chantier a rapidement connu quelques difficultés. Par exemple, une privatisation du projet n’a pas été possible faute d’entreprises intéressées. Les deux régions de Berlin et du Brandebourg ainsi que l’Etat fédéral sont aujourd’hui les actionnaires et doivent en dernière instance payer pour les surcoûts de l’aéroport. Des coûts qui, il y a dix ans, étaient estimés à 1,7 milliard d’euros et ont depuis triplé. A la fin de la semaine dernière, des indiscrétions en marge d’une réunion marathon des instances dirigeantes du projet évoquaient la nécessité d’une rallonge d’un milliard supplémentaire.

Chaque journée qui passe entraîne, hormis les travaux qui se poursuivent, des coûts de maintenance de 17 millions d’euros. L’aéroport qui devait, après le début des travaux, ouvrir le 30 novembre 2011, a vu son inauguration depuis repoussée à plusieurs reprises. Aujourd’hui, aucun responsable n’évoque une nouvelle date de peur d’être à nouveau démenti par de nouvelles difficultés retardant le projet.

Des problèmes surprenants dans un pays au savoir-faire industriel

La liste des problèmes techniques expliquant les retards est en effet longue : dispositifs anti-incendie défectueux, anomalies sur les réseaux de câblage, problèmes sur les tapis roulants ou encore nombre insuffisants de comptoirs pour les passagers à l’embarquement...  Tous ces problèmes provoquent les railleries et remettent en cause l’image de qualité et d’efficacité du made in Germany, connu pour sa perfection technique et ses ingénieurs talentueux.

Les causes de ces problèmes sont multiples. Ils tiennent en partie au manque de coordination entre les innombrables sociétés travaillant pour le projet. Le fait que la société responsable des aéroports de Berlin en fonctionnement aujourd’hui (Tegel et Schönefeld) gère le projet en direct n’a pour certains experts pas été une bonne chose car ses dirigeants n’ont pas forcément la disponibilité nécessaire pour surveiller de près un chantier aussi important.

Un cas qui n’est pas unique en son genre

L’image « pauvre mais sexy » de la capitale allemande, selon l’expression aujourd’hui légendaire de son maire, le social-démocrate Klaus Wowereit en chute libre dans les sondages, ne s’est pas améliorée. Les réseaux sociaux et les médias tirent à boulets rouges sur l’affaire « BER », l’abréviation du nouvel aéroport. Le quotidien Bild Zeitung a proposé de le raser pour laisser les Chinois en construire un autre. D’aucun proposaient qu’on déménage Berlin à proximité d’un aéroport fonctionnel...

Il est vrai que la capitale allemande ne brille pas par ses infrastructures et défraie souvent la chronique. Les nids de poule dans les rues d’une ville qui manque d’argent atteignent parfois des profondeurs abyssales. Dans cette région aux hivers parfois rigoureux, certains trains ne résistent pas au froid et laissent les passagers en plan. Lorsque, lors d’un hiver particulièrement rigoureux, de la glace tenace a recouvert sans être dégagée les trottoirs, le maire, jamais avare d’un bon mot a comparé la situation à « Holiday on ice » au grand dam des personnes âgées hospitalisées pour diverses fractures.

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