Erdogan à Bruxelles à la veille de la conférence Genève 2

La position de la Turquie sur la scène internationale est affaiblie, à cause des problèmes de politique interne. Les dernières mesures prises par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan contre la justice et la police, accusées de «complot» après l'éclatement d'un scandale de corruption, lui attirent de nombreuses critiques. A la veille de la conférence internationale Genève2 sur la Syrie, Erdogan est allé à Bruxelles pour une visite fixée de longue date, qui devait sceller la relance du processus d'adhésion de la Turquie. Mais les choses ne se sont pas passées tout à fait comme prévu... 

La visite du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à Bruxelles est la première de ce genre depuis 5 ans. Elle devait consacrer la relance du processus de rapprochement entre l'Union européenne et la Turquie, notamment l'adhésion de ce pays, démarrée de longue date mais qui a rencontré l'hostilité de plusieurs dirigeants européens. En cause, l'absence de règlement du dossier chypriote, et les manquements de la Turquie aux normes démocratiques, notamment en ce qui concerne la question kurde.

Mais le Premier ministre Erdogan a besoin des Kurdes, il veut surtout obtenir au Parlement une majorité suffisante pour une révision de la Constitution turque, qui lui permettrait d'instaurer un régime présidentiel et occuper la fonction suprême. Il a donc fait certaines concessions aux Kurdes, et les demandes de l'Europe ont été ainsi, en partie, satisfaites.

A Bruxelles, Erdogan n’a rien lâché sur sa volonté de recadrer la justice et la police de son pays

Mais depuis quelque temps Erdogan est accusé par l'Europe de dérive autoritaire. Les heurts violents qui ont eu lieu l'été dernier à Istanbul autour du parc Gezi, entre les forces de l'ordre et les contestataires, ont fait très mauvaise impression sur le plan international. Le Premier ministre turc n'a pas hésité alors à parler de « complot » et il a repris cette thèse il y a quelques semaines, après des arrestations menées jusqu'au sein du gouvernement, dans le cadre d'un scandale de corruption.

Dans le viseur d'Erdogan, la confrérie du prédicateur Fettulah Güllen, sans pouvoir formel et qui l'a soutenu jusqu'à présent, mais qu'il accuse aujourd'hui d'avoir infiltré la justice et les forces de police. Le limogeage de nombreux responsables et l'élaboration une loi pour reprendre en main ces institutions, ont provoqué de nouvelles critiques internationales. 

Il est trop tôt pour dire si, dans ces conditions, le rapprochement entre la Turquie et l'Union européenne revient au point mort. Mais il faut noter qu'à Bruxelles Recep Tayyip Erdogan n'a rien lâché sur sa volonté d'encadrer, coûte que coûte, la justice de son pays. Il a souligné, par ailleurs, l'impatience des Turcs face aux lenteurs du processus d'adhésion et aussi, face aux réticences des Européens d'ouvrir leur porte à un grand pays à majorité musulmane.

A noter aussi que le Premier ministre turc a menacé, il n'y a pas si longtemps, que si les leaders européens ne se décidaient pas à donner un coup d'accélérateur au processus d'intégration, la Turquie se détournerait durablement de l'Union. Bien évidemment, tout le monde n'a pas une position aussi tranchante à Ankara, mais le risque de rupture n'est pas écarté tant qu'Erdogan se maintient au pouvoir, notamment à la faveur des bons résultats économiques de son pays.

La Turquie est indispensable pour empêcher l’immigration irrégulière vers l’Union européenne

Est-ce que, dans ce contexte, la Turquie garde assez de poids pour tenir son rôle dans la crise syrienne ? En tout cas, elle bénéficie toujours de sa position-clé sur le plan géopolitique. Les responsables européens veulent donc éloigner tout risque de rupture avec Ankara, et non seulement parce que la Turquie est une pièce maîtresse du cordon sanitaire installé tant bien que mal autour de la Syrie. Cette volonté s’explique aussi par le fait que le rôle de la Turquie est indispensable pour tarir les flux d'immigration irrégulière vers l'Union européenne.

Recep Tayyip Erdogan est tout à fait conscient de tous ces enjeux et à Bruxelles il a bien marqué sa vision de la crise syrienne. Tout d’abord, il a rappelé que son pays accueillait environ 700 000 réfugiés syriens et avait déjà dépensé environ 1,5 milliards d’euros dans ce but. « L'Humanité ne peut plus attendre », a-t-il martelé par ailleurs, ajoutant « Nous en avons assez des questions sur qui va remplacer Bachar al-Assad».« Si on reste inactifs à la réunion Genève 2, son résultat ne pourra être que décevant », a insisté le Premier ministre turc. 

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