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Le drame s'est produit ce vendredi 11 octobre vers 17h15 locales dans les eaux territoriales maltaises, à environ 130 kilomètres de l’île. Les immigrés auraient donné l’alerte eux-mêmes grâce à un téléphone satellitaire. C'est en tout cas un avion des forces armées maltaises qui a localisé l'embarcation. Cette dernière naviguait en direction de Lampedusa.
Les migrants se sont retrouvés à la mer quand leur embarcation a coulé en quelques minutes par une mer houleuse. Selon la marine militaire maltaise, le bateau a été déstabilisé quand ses passagers - des Syriens pour la plupart - ont voulu attirer l'attention de l'avion. Ils se sont agités et déplacés tous ensemble du même côté, faisant chavirer l'embarcation.
Dix enfants rescapés
Plusieurs navires naviguaient à proximité du naufrage et ont pu être dépêchés rapidement sur place pour porter secours aux migrants en danger. Les autorités maltaises et italiennes ont vraiment travaillé ensemble.
Malgré les conditions météo difficiles, avec un vent fort, des hélicoptères et un avion sont entrés en action. Ils ont pu envoyer des chaloupes de sauvetage gonflables, mais ils ont aussi repéré de nombreux cadavres flottant à la surface de l’eau. Parmi les rescapés, dix enfants ont déjà été transportés à Lampedusa dans la nuit.
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L’Europe se retrouve de nouveau sous le choc. Le drame de vendredi survient seulement huit jours après le tragique naufrage au large de Lampedusa, qui a fait au moins 339 victimes. Mais les tragédies ne semblent pas dissuader le trafic d'êtres humains. Rien n'arrête les organisations criminelles, qui bénéficient de la complicité de la mafia italienne.
De nombreux bateaux arrivent ces temps-ci à gagner Malte et l'Italie avec des migrants, en provenance surtout de Syrie ou de la Corne de l'Afrique. Pour preuve, s'il en fallait encore, le port de Lampedusa vient d'accueillir un bateau de pêche avec, à bord, 150 migrants. Une autre embarcation, qui transportait 100 personnes, a été escortée par la marine militaire italienne.
« Un business indigne »
La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström, a de nouveau exprimé sa compassion, et demande à « passer des paroles aux actes ».
Selon elle, « ces nouveaux événements tragiques doivent accélérer la mise en place d'une vaste opération de sécurité et de sauvetage sur une zone allant de l'Espagne à Chypre. » Elle a également demandé à la Libye et à la Tunisie de faire cesser « le business indigne des embarcations de fortune. »
De son côté, la Commission européenne se prononce pour une révision à la hausse des moyens alloués à l'agence de contrôle aux frontières extérieures de l'UE (Frontex) et en appelle aux Etats membres pour qu'ils fassent davantage d'efforts dans l'accueil des réfugiés. Cette question de l'immigration sera à l'ordre du jour d'une réunion ministérielle européenne à Luxembourg, le mardi 15 octobre.
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Face à ce nouveau naufrage, la maire de Lampedusa, Giusi Nicolini, a déclaré : « Cette énième tragédie fait partie de la normalité de la vie de notre île. Je le dis et je le répète, il faut changer les lois, changer les politiques d'asile et d'accueil, pour cesser de faire mourir des innocents ». Elle demande la mise en place immédiate de couloirs humanitaires.
« L'île n'en finit plus de compter les morts et doit se concentrer sur les opérations de secours », justifie-t-elle. Et d'ajouter, la voix étranglée par la douleur : « Il faut que l'Europe se rende compte que l'île de Lampedusa est trop petite, tant pour représenter une frontière que pour supporter le poids de cette tragédie sans fin. » Ce samedi, un navire doit transporter les centaines de cercueils alignés dans le hangar de l'aéroport de Lampedusa vers la terre ferme pour laisser place à de nouveaux cercueils, et de nouveaux deuils. Giusi Nicolini a demandé aussi des renforts de la protection civile italienne.
Elle a précisé qu'il n'y aurait plus de funérailles d'Etat pour les victimes du naufrage du 3 octobre. Seuls les enfants seront enterrés dans le cimetière de Lampedusa.
■ Quand le Maroc tente de prévenir les drames de l'immigration clandestine
Avec notre correspondant à Rabat, Léonard Vincent
Le royaume du Maroc, pays de transit, accueille dans des conditions parfois très éprouvantes quelque 20 000 candidats au passage vers l'Europe. Jusqu'au mois dernier, des barques de migrants africains continuaient régulièrement de quitter clandestinement les côtes du pays pour tenter de rejoindre l'Espagne. Mais depuis, les migrants sub-sahariens attendent.
Car le 10 septembre dernier, à la surprise générale, le roi Mohammed VI a annoncé l'adoption par son royaume d'une « nouvelle politique migratoire ». Une décision prise après la publication cet été d'un rapport accablant du Conseil national des droits de l'homme. A terme, il s'agit de faire en sorte que les migrants puissent trouver, ici au Maroc, une terre d'accueil. Le nouveau gouvernement marocain, nommé jeudi, compte même désormais un ministre en charge de ce dossier.
« Traiter les demandeurs d'asile et les réfugiés d'une façon humaine »
Le plan consiste à adopter une loi sur l'asile et offrir des garanties juridiques pour les migrants. Ursula Schutz-Aboubacar est la représentante par intérim du Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR). Selon elles, avec le dispositif, les personnes concernées « vont pouvoir louer des appartements, ouvrir un compte bancaire, avoir accès à l'éducation. C'est vraiment un très grand pas en avant en ce qui concerne le droit des réfugiés. »
Les dossiers de 850 personnes, qui n'étaient jusqu'à présent reconnus que par l'ONU, sont actuellement revus, un par un, par le tout nouveau Bureau des réfugiés et apatrides ouvert dans un quartier résidentiel de Rabat.
Pour Ursula Schutz-Aboubacar, les gouvernements d'Afrique du Nord pourraient, en suivant le Maroc, prévenir les drames de l'immigration clandestine tels que ceux de Lampedusa. « Presque chaque semaine, il y a des drames de ce genre, confie-t-elle. Si les législations dans les différents pays traitaient les demandeurs d'asile et les réfugiés d'une façon humaine, en leur donnant les droits pleins, comme tout autrre étranger, ça pourrait peut-être éviter ce genre de drames. »