Législatives en Géorgie : un test pour le président Saakachvili

3,6 millions de Géorgiens sont appelés à voter aujourd’hui pour élire les 150 membres du Parlement de Tbilissi. A la mi-journée, 25,5 % des électeurs avaient glissé leur bulletin dans l'urne. A partir de 2013, la modification de la Constitution donnera plus de pouvoir aux députés. Accusé d’autoritarisme, mis à mal par une affaire de torture dans les prisons, le président Mikheïl Saakachvili subit un test difficile. En toile de fond de ces élections, les relations du pays avec la Russie, fortement éprouvées par la guerre éclair de 2008.

Petite république du Caucase située au bord de la mer Noire, la Géorgie a été pendant longtemps sous domination russe, puis soviétique. Elle est devenue indépendante en 1991, et à partir de 2003, à la faveur de la « révolution de la rose », elle a commencé à sortir du giron de Moscou pour se rapprocher de l’occident.

L’un des artisans de cette évolution a été Mikheïl Saakachvili. Jeune et brillant avocat parlant plusieurs langues, marié à une Néerlandaise spécialiste en droits de l’homme, il a fait des études de droit aux Etats-Unis. Retourné au pays, il a été nommé ministre de la Justice, avant de dénoncer la corruption au sein du gouvernement pro-russe d’Edouard Chevardnadzé. Il est devenu président de la Géorgie en 2004.

Plus de huit ans après son accession au pouvoir à Tbilissi, Mikheïl Saakachvili continue à se définir comme un rempart contre l’influence de Moscou. Sa politique pro-occidentale lui a valu la promesse de l’intégration de la Géorgie dans l’Otan. Mais la guerre de 2008 avec la Russie a mis un coup de frein à ses ambitions. Moscou a soutenu militairement les deux provinces sécessionnistes de Géorgie, à savoir l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, puis a reconnu leur indépendance.

La Russie possède une part importante de l’économie géorgienne

Dans ses récents meetings de campagne, Mikheïl Saakachvili martelait encore et encore : « Je veux que nous disions tous ensemble que la Géorgie ne sera plus jamais occupée ! Notre peuple est fier et libre ! »

Charles Urjewicz, professeur à l'Institut des civilisations orientales à Paris, insiste sur le fait que les relations avec la Russie sont le principal enjeu de ces élections législatives en Géorgie.

« La Russie possède une part importante de l’économie géorgienne, explique-t-il, acquise surtout les dernières années. Plus d’un million de Géorgiens ont un passeport russe. Les relations économiques peuvent redevenir normales, mais il est peu probable que Moscou puisse reculer dans la question de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, dont les autorités russes ont reconnu l’indépendance. »

L’opposition, un Frankenstein politique

Le Mouvement national uni de Mikheïl Saakachvili partait favori dans ces élections législatives. Selon Sophie Tournon, spécialiste du Caucase, « la coalition de l’opposition, le Rêve géorgien, est disparate, elle ressemble à un "Frankenstein politique", regroupant les opposants de Saakachvili, de la gauche à l’extrême droite. ». A la tête de cette coalition se trouve le milliardaire Bidzina Ivanichvili, qui a fait fortune en Russie. Avec 5 milliards d’euros, il pointe à la 153e place du classement des plus grandes fortunes mondiales.

Malgré des difficultés économiques réelles, le débat ne s’est pas focalisé sur cet aspect, hormis quelques promesses populistes de chacun des deux camps. La campagne a été plutôt marquée par des attaques et des accusations personnelles, dont le pouvoir et l’opposition « usent et abusent, selon Charles Urjewicz, ce qui a fini par lasser la population ».

Un scutin déterminant

Après la diffusion d'une vidéo tournée dans une prison, qui montrait des scènes de violences et même de viol sur des détenus, le président Saakachvili a réagi très vite. Il a limogé le ministre de l'Intérieur, un proche allié, et nommé comme responsable des pénitenciers, le plus virulent des critiques de la politique carcérale.

Pour Sophie Tournon, cette affaire devrait avoir, malgré tout, un impact sur le résultat des élections : « Le choc des images a galvanisé la population, ceux qui hésitaient à se rendre urnes devraient aller voter et il est probable que le nombre de votants pour le parti d’opposition explose littéralement. »

Quel que soit le résultat final du scrutin, il est important dans la perspective de la modification de la Constitution, qui entrera en vigueur dès 2013, à la fin du mandat présidentiel de Mikheïl Saakachvili. La Géorgie passera d’un régime présidentiel à une organisation institutionnelle différente, qui verra s’accroître les pouvoirs du Parlement.

Partager :