Colloques, rencontres diplomatiques et réceptions : le gouvernement du Kosovo recevra ses amis, notamment l’ancien président Martti Ahtisaari, auteur du projet « d’indépendance supervisée », et le Commissaire européen à l’élargissement, Stefan Füle. Selon le quotidien Epoka e Re, on espère même un message par visioconférence de Bill Clinton, mais aucune confirmation officielle n’en a été donnée. De toute façon, même si les officiels répètent que ce 10 septembre « sera la date la plus importante dans l’histoire du Kosovo depuis la proclamation d’indépendance, l7 février 2008 », l’heure n’est certainement pas à des scènes de liesse populaire.
Dans la pratique, la fermeture du Bureau civil international (ICO) ne changera pas grand chose pour les citoyens du Kosovo. Leur petit pays est toujours le « terrain de jeu » d’un grand nombre de missions, aux compétences parfois incertaines. Ainsi, la Mission d’administration intérimaire des Nations unies (Minuk) est toujours déployée, au titre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, jamais abrogée, même si le champ d’action et les effectifs de cette mission ont été drastiquement réduits.
Pour les citoyens lambda, la présence internationale la plus visible, c’est assurément la mission militaire de l’Otan, la Kfor, dont les effectifs sont progressivement passés depuis juin 1999 de plus de 50 000 à moins de 5 000 hommes. Cette dernière année, toutefois, la Kfor a dû faire appel à des renforts pour faire face à la situation de crise dans les régions serbes du nord du Kosovo. Autre présence très visible, celle des policiers et des douaniers de la mission européenne Eulex.
La mission Eulex prolongée
Le Parlement du Kosovo a justement adopté, la semaine dernière, la loi qui permet de proroger le mandat de cette mission jusqu’au 15 juin 2014. En théorie, Eulex est une mission « technique », qui doit rester « neutre » sur le statut du Kosovo - non seulement parce qu’elle est présente sur tout le territoire, y compris les zones serbes, mais aussi parce que cinq Etats membres de l’UE ne reconnaissent toujours pas l’indépendance du Kosovo. Cette mission doit apporter son appui aux institutions locales dans trois secteurs qui sont pourtant éminemment politiques, à savoir la police, la justice et le contrôle des frontières.
Dans le dense maquis de missions et d’organisations internationales qui se sont implantées les unes après les autres au Kosovo, le Bureau civil international a d’ailleurs toujours eu du mal à trouver sa place. Placé sous la responsabilité du Kosovo Steering Group, réunissant 25 États ayant reconnu l’indépendance, l’ICO devait « guider » les premiers pas des autorités du nouvel État. Faute de consensus international, la présence et le rôle de l’ICO n’avaient pas pu être approuvés par le Conseil de sécurité des Nations unies - le Kosovo n’étant toujours pas membre de l’ONU. Plus gênant encore, l’ICO ne s’inscrivait pas non plus sous le parapluie de l’Union européenne, alors que son chef, le diplomate néerlandais Pieter Feith, a longtemps cumulé cette fonction avec celle de représentant spécial de l’Union européenne. Depuis un an, les deux charges ont été dissociées, et l’UE est désormais représentée au Kosovo par Samuel Zbogar, ancien ministre des Affaires étrangères de Slovénie.
Un bilan mitigé
Disposant d’antennes régionales - sauf dans le secteur serbe du Nord, où il était interdit d’accès - l’ICO a essentiellement joué un rôle de conseil aux autorités du Kosovo, faute de pouvoir prétendre à un véritable pouvoir décisionnaire. Le bilan est maigre dans les domaines où les Kosovars attendaient le plus l’aide de leurs « partenaires » occidentaux : l’indépendance du pays n’est toujours pas pleinement reconnue, et le Kosovo reste à l’écart de la plupart des structures internationales, le Nord est plus proche que jamais de la sécession ouverte, et la construction de l’État de droit et de la démocratie se révèle bien poussive.
Alors que le mouvement Vetëvendosja (Autodétermination), désormais représenté au Parlement, réclame toujours l’arrêt de toute forme de tutelle internationale et n’a pas voté en faveur de la prorogation du mandat d’Eulex, beaucoup de Kosovars sont tentés de faire porter à l’ICO la responsabilité de ces échecs. Dans le même temps, ils savent bien que la fermeture de ce bureau ne va pas changer grand chose à la situation réelle de la souveraineté très limitée du Kosovo. « Les décisions importantes sont prises à l’ambassade des États-Unis. Les Européens ne sont consultés que pour la forme, et nos dirigeants politiques sont de simples exécutants », estime Agron, un jeune sympathisant de Vetëvendosja.