Pologne : l’Eglise investit la toile

L’Eglise a l’éternité devant elle, mais cela ne l’empêche pas de se mettre au goût du jour et d’investir les moyens de communication les plus modernes. Pour deux millions de Polonais, la parole de Dieu arrive d’ores et déjà via le web. Les blogs de quelques pères jésuites et dominicains attirent des dizaines de milliers de fidèles par jour, à coup de messes virtuelles et de sermons-vidéos.

Ils sont jeunes, souriants, cool et postent leurs vidéos sur Facebook et autres réseaux sociaux. Leur particularité : Leonard Bielecki et Franciszek Chodkowski, à peine la trentaine, sont deux pères franciscains, qui se servent de la toile pour atteindre les jeunes brebis là où elles se trouvent : dans le cyberespace. Leur vidéo blog Sans bourrage de crâne (Bez sloganu) les met en scène une fois par semaine autour d’une question de foi, présentée dans un langage « jeune ».

Ils commencent toujours leur performance en souhaitant à leurs cyber-spectateurs « paix et bonté ». Leurs rôles sont savamment distribués : le père Leonard n’hésite pas à se servir des mots familiers en lançant le thème de leur discussion. Cette semaine, le ton a été donné dès le début « peut-on prier pour des conneries ? » a lancé en souriant le père Leonard en faisant glousser son confrère.

Les frères sont des pionniers de cette formule. Ils ont lancé leur vidéo-blog il y a quatre ans et depuis ils l’alimentent tous les jeudis, car, comme ils disent, la régularité est la clef de la réussite. Cela a effectivement payé : avec des dizaines de milliers de visites par jour, ils ont reçu, en 2010, une récompense spéciale lors du concours du Blog de l’année, organisé par le portail onet.pl.

Au début, leurs supérieurs du monastère de Poznan, les regardaient un peu dubitatifs. Mais depuis que le pape Benoît XVI s’est mis au Twitter, les deux franciscains ont eu la bénédiction et les financements nécessaires à leur projet.

Concours d’inventivité

Depuis, les congrégations rivalisent entre elles d’inventivité pour attirer l’internaute. Le père Stopka est auteur d’un portail stukam.pl, qu’il alimente trente à cinquante fois par mois par des mini réflexions sur la foi et le monde. Ses articles sont agrémentés de dessins. Les dominicains ne sont pas en reste avec leur portail extrêmement populaire dominikanie.pl ou le choix est riche avec douze blogs, dont un alimenté par une femme.

En cliquant sur la galerie des photos, on trouve les clichés de la vie de tous les jours de ces moines. Le père Joachim Badeni, le doyen de la congrégation, poste par exemple des photos de sa cellule, ainsi que celles de la promotion de son livre « La femme, un mystère divin ». D’autres portails, comme ceux des jésuites, proposent des prières à télécharger sur les portables, des messes, des chants d’églises et des « chat ».

Un business lucratif

Cet engouement pour les nourritures spirituelles de la part des internautes a généré un business très lucratif : des fonds d’écran et des sonneries de portables sont proposés sur les portails religieux les plus cotés, comme le portail Opoka. Des sociétés proposent des programmes pour faciliter la vie des paroisses et surtout l’aide dans la conception des pages web. D’après les premiers sondages organisés par l’église, 58% des paroisses polonaises disposent d’une adresse mail, 60% d’une page internet.

Un porte-parole branché

Signe de cet enthousiasme pour le cyberespace en tant que nouvel outil de propagation de foi, le porte-parole de l’épiscopat, Jozef Kloch vient de publier un ouvrage intitulé l’Internet et l’Eglise. Jozef Kloch s’est mis très tôt à l’ordinateur et dès 1991, a introduit au séminaire de Tarnow, où il enseignait, les cours d’informatique.

Une utilité reconnue

D’après une étude publiée par l’université romaine de Santa Croce, 43% des prêtres polonais utilisent internet pour préparer leurs sermons (ils sont plus de 60% à le faire dans le monde). Trois-quarts des ecclésiastiques en Pologne trouvent que les nouvelles technologies les aident beaucoup dans leur action d’évangélisation.

Le cyberespace rapprocherait-il de Dieu ? Les fidèles le pensent visiblement, puisque d’après l’Institut Megapanel PBI/Gemius, 2 millions d’internautes polonais passent plus de 800 000 heures par mois sur les pages dédiées à la religion.

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