L'église de tous les saints, pittoresque construction de bois rouge sur une place tranquille du centre de Stockholm, cache bien son jeu. A l'intérieur, un vendredi soir par mois, c'est discothèque. A l'entrée, on distribue des protections auditives.
Derrière son pupitre, le prêtre Olle Ideström, 28 ans, est aux platines. C'est lui qui est à l'origine du projet: « Que ce soit le sermon ou la prière, tout se fait en musique », explique-t-il. « Ce sont des jeunes qui chantent en direct tour à tour, les autres peuvent danser, le tout dure une heure. Avant et après, des DJ passent de la house et de la techno pour commencer ou continuer à danser. »
« L'église est pleine à craquer, on n'a jamais vu ça ! »
La petite église en bois peut accueillir un peu plus de 400 personnes, et elle est pleine à craquer. Le prêtre a du mal à cacher sa fierté. « C'est un tel succès que nous avons dû refuser du monde ! C'est un problème que nous n'avions pas eu depuis très longtemps ! ». Un exploit dans un pays peu pratiquant où le nombre de fidèles est en baisse constante.
Baptisée « Technomässan » en suédois, la « messe techno » attire bien sûr en majorité des jeunes, et s'adresse directement à eux. Les textes sont écrits par le prêtre dans une langue simple et ne comportent presque aucune référence religieuse. Aux oreilles du profane, ils passent pour d'innocents refrains d'amour et de bons sentiments.
« Il y a depuis la Réforme de Luther au XVIe siècle une tendance de l'église protestante à se remettre en question, et à introduire des musiques nouvelles », précise le jeune ecclésiastique. « Dans les années 60, on jouait du jazz dans les églises protestantes en Suède. Dans les années 80, du hard rock. Et je crois qu'il est grand temps aujourd'hui de s'ouvrir aux musiques qui passent dans les clubs les vendredi et samedi soir. »
« Jésus n'écoutait pas de musique classique ! »
L'événement a la bénédiction de l'évêché, mais chez les chrétiens conservateurs, certaines voix se sont élevées pour réclamer que la paisible petite église soit laissée à la tranquillité des fidèles. Ce à quoi les organisateurs répondent que la messe techno est complémentaire aux offices religieux traditionnels, puisqu'elle a lieu le vendredi soir, à un moment où le lieu de culte serait de toute façon vide.
Le prêtre constate d'ailleurs que la plupart des critiques qui lui sont faites sont malhonnêtes. « J'ai même entendu dire que Jésus n'écoutait que de la musique classique ou baroque ! Mais Jésus n'écoutait évidemment pas plus de baroque que de techno ! Donc, je veux bien être critiqué, mais je crois vraiment que cette messe ouvre les portes de l'église plus qu'elle ne les ferme. »
A la sortie, on peut acheter le disque dont les recettes vont entièrement à une association de soutien aux parents seuls et sans ressources.