De notre correspondant à Berlin.
« Un cheval de troie en culotte de peau. » Le titre du quotidien Die Welt mardi pourrait évoquer une nouvelle mise en scène de la célèbre tragédie grecque. Mais dans les pages politiques du journal, c’est une version plus technique qui est relatée. L’utilisation par la police de logiciels informatiques placés subrepticement sur les ordinateurs de suspects et permettant de mieux les surveiller.
Les autorités bavaroises sont au coeur de la polémique depuis les révélations de l’influente association de hackers informatiques « chaos computer club ». Elles ont d’ailleurs reconnu lundi avoir utilisé ces « chevaux de troie » informatiques mais soulignent que leur utilisation s’est déroulée dans un cadre légal.
En effet, celle-ci est possible après autorisation par la justice. Des suspects utilisent de plus en plus l’internet pour communiquer entre eux par mails ou grâce à la téléphonie qu’offre cet outil. Les bonnes vieilles écoutes ne sont plus toujours utiles. Et le codage pour des raisons de sécurité, par des sociétés comme Skype, des conversations sur internet oblige les autorités à intercepter les échanges à la source en étant donc relié via un logiciel discret à l’ordinateur du suspect.
Pratiques contraires au droit
Le tribunal constitutionnel a en revanche décidé dans un arrêt rendu en 2008 qu’une « perquisition en ligne », c’est-à-dire l’examen de l’ensemble des données, y compris privées, présentes sur l’ordinateur d’un suspect, n’est possible que dans des cas très précis lorsque des vies humaines ou la sécurité de l’Etat sont menacées.
Cette jurisprudence pourrait ne pas avoir été respectée dans les cas actuels. Dans une des procédures menées par les autorités bavaroises, près de 30 000 « screenshots », c’est-à-dire des photographies de l’écran de l’utilisateur ont été réalisées. Cela dépasse le captage des conversations par courriers électroniques ou par téléphone et peut remettre en cause la protection de la vie privée, sujet sur lequel on ne plaisante pas en Allemagne après les errements de deux dictatures, nazie et communiste, au siècle dernier.
La polémique prend de l’importance. D’un côté par son ampleur, d’autres régions ayant recouru à cet outil informatique. De l'autre, en raison des échos dans le monde politique. La ministre libérale de la Justice toujours en pointe sur ces questions, a critiqué les risques d’atteinte aux données privées. Elle exige que seules des techniques ne permettant pas de les violer soient développées et utilisées. Elle réclame à cette fin le recours à une structure exerçant un contrôle technique préalable pour éviter les excès. Le syndicat de la police réclame un cadre légal plus clair pour ses membres afin d’éviter à l’avenir les polémiques. L’opposition de gauche, elle, monte au créneau. Certains sociaux-démocrates ont réclamé la démission du ministre de l’Intérieur bavarois.