Vingt ans après la chute de l'URSS, la désillusion des ex-Républiques soviétiques

Il y a vingt ans, c’était le début de la fin pour l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS). Le 23 août 1991, un putsch visant à préserver le statu quo politique échouait. Cette première grande fêlure du système communiste encourageait alors plusieurs Républiques de l’empire à réclamer, voire proclamer, leur indépendance. Aujourd’hui, leurs situations respectives sont très variées et parfois incertaines.

Fin août 1991, le dirigeant soviétique réformiste Mikhaïl Gorbatchev savourait son retour à Moscou après l’échec d’un putsch fomenté par les conservateurs du Parti communiste. Putsch écrasé par l’étoile montante de la nouvelle Russie, Boris Eltsine. La défaite des putschistes ouvrait alors la voie à un rapide démantèlement de l’Union soviétique. Au lendemain de cette déroute des conservateurs, le Parlement de la plus grande et la plus importante République soviétique en dehors de la Fédération russe, l’Ukraine, déclarait son indépendance. Le jour suivant, c’était le tour de la Biélorussie. Mais il a fallu attendre plus de trois mois pour que la dissolution formelle de l’Union soviétique soit proclamée, en décembre 1991.

« Le bon vieux temps »

L’Union soviétique n’existe donc plus depuis pratiquement vingt ans. Cependant, on a parfois l’impression qu’elle n’a pas encore totalement disparu de son ancien territoire. En effet, il y a, d’un côté, un phénomène de nostalgie du « bon vieux temps », où l’Etat s’occupait de tout. Il le faisait mal, mais au moins il ne demandait pas trop d’efforts et donnait une impression rassurante de protection. Le phénomène se manifeste surtout chez ceux qui ont vécu la plus grande partie de leur vie à l’époque de l’URSS et ont du mal à se débarrasser de vieux réflexes. Toutefois, cette nostalgie apparaît de manière plus générale, indépendamment de l’âge, parmi tous ceux qui n’arrivent pas à s’adapter aux nouvelles conditions de vie de leur pays. Pour eux, la légende de la grandeur de l’Union soviétique et le mythe d’égalité et de sécurité pour tous qu’elle prétendait garantir, constituent une sorte d’échappatoire.

Quelle indépendance ?

Pour les pays qui se sont émancipés de l’appartenance à l’Union soviétique, il y a la question du véritable degré d’indépendance par rapport à l’ancienne métropole russe. Selon Alexandra Goujon, maître de conférences à l’université de Bourgogne et à Sciences-Po Paris, le degré en question varie beaucoup d’une ancienne République soviétique à l’autre, mais la Russie essaie de garder son influence partout. « Les pays Baltes – explique-t-elle – sont dans l’Union européenne, ont des régimes politiques indépendants de la Russie et en même temps, les Russes jouent un rôle économiquement important », surtout en Lituanie.

Quant à l’Ukraine, elle subit les effets d’une très importante dépendance énergétique de Moscou. Dans le Caucase, c’est encore plus compliqué et tendu. Pour Alexandra Goujon, « le conflit russo-géorgien nous rappelle que la Russie a des intérêts stratégiques dans la région ; tout cela nous montre que la question des indépendances en tant que telles n’est pas encore complètement réglée ». Elle remarque que « régulièrement, il y a des formes de réactions nationalistes qui peuvent apparaître dans telle ou telle République par rapport à une Russie, qui, elle, a décidé de maintenir une certaine pression sur ce qu’elle appelle son étranger proche. Elle considère que c’est un étranger sur lequel elle a un certain droit de regard. Et comme c’est la puissance régionale la plus importante, elle essaie de faire pression sur les anciennes Républiques de l’URSS ».

Identité nationale 

En réalité, l’indépendance de plusieurs Etats issus de l’ancienne Union soviétique semble donc bien limitée. Toutefois, même dans les régions traditionnellement russophones et russophiles, des prémices d’une véritable nouvelle identité nationale, distincte de celle de l’ancienne métropole russe, commencent à apparaître. L’actuel président ukrainien Viktor Ianoukovitch est considéré comme pro-russe, mais sa proche collaboratrice, Anna German, Chef adjoint de l’Administration présidentielle, semble croire que le processus est déjà en marche en Ukraine…

Au micro de RFI, elle raconte : « Lors de ma visite à Odessa, deux garçons d’environ 12 ans marchaient derrière moi et j’ai pu entendre ce qu’ils disaient. ‘Tu vois – disait l’un d’eux – l’Ukraine a gagné ! Nous avons vraiment bien réussi !’. Ils parlaient en russe, mais ils parlaient en tant qu’Ukrainiens qui aimaient leur pays. Je pense que la génération qui arrive maintenant sera très différente de la précédente. Il y a de vraies perspectives pour l’Ukraine comme Etat indépendant, disposant de ses propres traditions d’Etat-nation. Une identité nationale existe déjà. Même les gens qui se parlent en russe ont déjà le sentiment d’être Ukrainiens. C’est ça le plus important. Beaucoup de choses ont changé chez nous et nous ne voulons plus être un Etat vassal de quiconque. 

La désillusion 

Certes, Ianoukovitch et son équipe, comme beaucoup d’autres dirigeants des nouveaux Etats postsoviétiques, aimerait certainement disposer d’une marge de manœuvre beaucoup plus large. Mais, en même temps, tous savent que, pour vivre tranquillement, il leur faut s’accommoder de pressions russes et faire avec… Toutefois, même pour eux, il y a un problème potentiellement inquiétant. En effet, la Russie elle-même n’a toujours pas très bien défini sa propre nouvelle identité, elle se cherche toujours, et il est impossible de prévoir le résultat final de cette recherche. Et son système démocratique est encore loin d’être exemplaire, ce qui n’est pas très rassurant pour quelqu’un qui cherche un partenaire stable et prévisible. 

Beaucoup de citoyens des nouveaux Etats issus de l’URSS semblent s’accrocher à l’espoir dans l’avenir, mais la désillusion gagne inexorablement du terrain, et c’est peut-être justement elle qui risque de devenir le facteur explosif le plus destructeur pour les nouvelles sociétés de l’ancien monde soviétique.

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