BCE: Mario Draghi, la continuité dans la crise

Au sommet des Vingt-sept à Bruxelles, ce vendredi 24 juin, la nomination de Mario Draghi au poste de président de la Banque centrale européenne a été confirmée. Personnalité effacée mais consensuelle, l’Italien semble bien armé pour le poste qu'il s'apprête à prendre, en dépit d'un passage controversé à la banque Goldman Sachs International.

Depuis son adoubement par Berlin, à la mi-mai, son arrivée à la présidence de la BCE ne faisait guère plus de doute. Réussir à rassurer les Allemands, en ces temps de crise pour la zone euro, était sans doute l’obstacle le plus difficile à franchir. Angela Merkel a pourtant été séduite, louant sa « culture de la stabilité » et sa « défense d’une économie solide ». Car c’est bien sur le credo de la rigueur que la campagne du gouverneur de la Banque italienne s’est axée. Du consensus, aussi. Et en cela, il ne devrait pas trop se démarquer de son prédécesseur, le Français Jean-Claude Trichet.

Mario Draghi s’inscrit donc dans une certaine continuité. Il est, à vrai dire lui-même, un artisan de longue date de l'architecture monétaire européenne qu'il domine désormais. S’il promet aujourd’hui de poursuivre la maîtrise de l’inflation, c’est en rappelant sa participation à la rédaction du Traité de Maastricht (1992) qui couche sur papier cette injonction. S’il se positionne pour un plan de sanctions automatiques pour les pays ne respectant pas le Pacte de stabilité, c’est en soulignant ses efforts, en tant que directeur général au Trésor, pour tirer une Italie en crise vers l’euro, dans les années 1990.

Austère mais consciencieux

Un peu austère, parfois fuyant, cet ancien professeur d’économie d’Harvard de 63 ans, façonné par les cours d’un certain Franco Modigliani, est un fontionnaire consciencieux, que l’on appelle à la rescousse quand tout s’effondre. Ainsi lorsqu’en 2005, le gouverneur de la Banque d’Italie, Antonio Fazio, est contraint à la démission après un scandale d’abus de pouvoir, discréditant l'institution, « Super Mario » le bien nommé, accourt et redresse la barre.

Mais sur le CV du nouveau résident de Francfort, une ligne rompt le portrait idyllique esquissé jusqu’ici. Une mention qui n’a d'ailleurs pas manqué d’attirer l’attention des membres de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, lors de son grand oral du 14 juin dernier. Entre 2002 et 2005, Mario Draghi a été le vice-président et le directeur général de la banque d’investissement Goldman Sachs International. La même banque accusée d’avoir conseillé Athènes dans l’utilisation de produits dérivés pour cacher ses déficits budgétaires au début des années 2000. Une banque emblématique de pratiques que les plus grands chefs d’Etat de la planète semblaient décidés à proscrire.

S’il rassure par son profil de technocrate rompu à la gestion de crises, Mario Draghi suscite donc également des interrogations. La plus urgente, toute pragmatique et un brin provocatrice, est largement posée par la presse britannique : pourra-t-il sauver la monnaie unique ? S’il se dit optimiste sur l’issue de la crise grecque, tenir la barre du « bateau euro » ne sera effectivement pas chose aisée.

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