De notre correspondant à Berlin
Le vieillard a accueilli sans réaction visible le jugement du tribunal de Munich. Il avait refusé au terme du procès de prendre la parole. John Demjanjuk est resté fidèle à sa stratégie du silence adoptée dès le début de la procédure, il y a un an et demi. Cloué sur un fauteuil roulant ou allongé sur un brancard, une casquette vissée sur la tête et des lunettes noires devant les yeux, l’accusé a donné l’impression d’être absent de son propre procès.
Les juges de Munich ont estimé que Demjanjuk, à l’époque prisonnier de l’armée allemande, avait bien passé six mois au sein du camp d’extermination de Sobibor en 1943. Sa seule présence sur place suffit pour le tribunal à rendre Demjanjuk complice de la mort de près de 30 000 juifs exterminés durant cette même période. Peu importe pour les juges que des crimes concrets ne puissent être prouvés à son encontre, les témoignages étant très peu nombreux. Sur les 250 000 personnes déportées à Sobibor, 47, qui avaient réussi à fuir, ont survécu.
Pourvoi en cassation
La défense de l’accusé, qui réclamait l’acquittement de Demjanjuk, a annoncé qu’elle se pourvoyait en cassation. Elle met en cause l’authenticité du document des autorités nazies prouvant la présence de l’accusé à Sobibor. Elle estime que Demjanjuk n’avait pas le choix et avait été contraint par les nazis de travailler dans le camp. Un refus aurait signifié la mort, toujours d’après la défense de Demjanjuk, qui présentait son client comme une victime du Troisième Reich à l’époque et de la justice allemande aujourd’hui.
La décision du tribunal estimant que la simple présence de l’accusé sur place sans preuves concrètes de meurtres contre des déportés est une question juridique très sensible et explique entre autre le pourvoi en cassation de l’accusation.
Cette dernière a aussi argumenté en rappelant que des responsables nazis plus importants n’avaient pas été poursuivis dans le passé et que des Allemands présents au sein du camp de Sobibor à l’époque avaient été acquittés dans les années 1960. Mais les erreurs du passé doivent-elles justifier une injustice aujourd’hui ?
Les représentants des organisations de déportés comme les familles des victimes voyaient dans le procès surtout la possibilité de rappeler ce qui s’était passé sur place. Le verdict contre Demjanjuk était moins central pour eux. L’accusé risquait quinze ans de prison. Le parquet avait réclamé six ans, le jugement sera donc resté en deça.