Le désormais célèbre « discours de Grenoble » de Nicolas Sarkozy dans lequel le chef de l’Etat avait appelé à démanteler les « implantations sauvages de campements de Roms » a marqué le début de la polémique.
Son injonction a été suivie à la lettre : depuis août dernier, 490 campements ont été évacués, soit la majorité des 600 recensés. Mais la politique des reconduites des Roms n'est pas nouvelle. En 2010, on retrouve à peu près le même chiffre que les dernières années : entre 8000 et 10 000 par an. Seulement, depuis le discours du président de la République, cette politique fait du bruit dans les médias.
Une des conséquences immédiates : selon un sondage réalisé en août 2010 par l’institut de sondage IfOP pour le JDD (Journal du Dimanche), Nicolas Sarkozy a gagné, à l'époque, 2% d’intention de vote chez les électeurs de l'UMP et il est remonté de sept points chez les sympathisants du Front national. D’autres ont, certes, témoigné de leur indignation : début septembre, une manifestation contre la politique sécuritaire du gouvernement a rassemblé 100 000 personnes.
Protestations à l’étranger contre le traitement réservé aux Roms en France
Même le pape Benoît XVI a exhorté publiquement des pèlerins français à accueillir les hommes de toutes origines : une critique implicite des expulsions de Roms. Les protestations abondaient également dans la presse étrangère, et des voix se sont élevées à Bruxelles : la commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, a menacé de lancer une procédure d'infraction contre la France, si Paris ne mettait pas ses lois en conformité avec la directive sur la libre circulation dans l’Union européenne.
Directive qui s’applique aux Roms puisqu’ils sont citoyens européens depuis 2007 et qui stipule, entre autres, qu’ils ont droit à un examen individuel de leur situation. Or, les Roms sont souvent expulsés par groupes du territoire français.
La France a fini par s’exécuter, elle a donc promis à la Commission européenne de modifier sa loi début 2011. Mais certains doutent de la sincérité de cette promesse. Michèle Mézard, membre du collectif Romeurope, souligne notamment, que « les amendements à la loi qui règle le séjour des étrangers, votés en octobre au Sénat sont en retrait par rapport à la directive européenne et même parfois opposés ». Michèle Mézard s’étonne également du fait que « les modifications prévues par la France n’aient été communiquées ni à la société civile ni aux parlementaires qui devront les voter ».
Alexandre Le Clève de l'association la Cimade, partage ces doutes et se dit « déçu de la position de la Commission européenne. Au départ, elle montrait une réelle volonté de lutter contre des discriminations et voulait sanctionner la France ». Il ajoute : « On est restés sur notre faim. Je ne sais pas si la Commission européenne souhaite abandonner complètement ses poursuites ou maintenir un certain regard, ce qui pourrait être intéressant ».
Pour Alexandre Le Clève, le bilan 2010, est mitigé : d’un côté, il juge positif que l’opinion publique ait pris conscience de la situation des Roms. D’un autre côté, leur réalité quotidienne reste dramatique : « Derrière les chiffres, qui sont une véritable manne pour augmenter les reconduites à la frontières, il y a des drames humains et cette année, je crois que les drames humains ont été particulièrement violents ».
Les Roms vivent dans des conditions de plus en plus difficiles
La plupart habitent dans des bidonvilles et les démantèlements ne font que renforcer les difficultés, témoigne le Docteur Jean-François Corty de Médecins du monde : « Ces pratiques rendent le travail des associations médicales et des médecins difficile, parce qu’ils ne peuvent pas terminer les calendriers vaccinaux, parce qu’ils ne peuvent pas suivre les maladies chroniques. Elles mettent en danger des personnes qui ont de plus en plus de difficultés à répondre à leurs besoins vitaux : l’accès au logement, à la nourriture et aux soins. »
Les Roms risquent de continuer à vivre dans ces conditions dramatiques encore quelques années. Mais une chose est sûre - le « régime transitoire » auquel ils sont soumis au sein de l'Union européenne et qui limite, entre autres, leur droit de travailler, se termine fin 2013. Dès 2014 ils devront donc être traités comme les autres Européens.