Leur action avait été rapide et de courte durée Les dix hommes avaient pris d’assaut au printemps le « Taipan », un navire appartenant à la compagnie Komrowski de Hambourg et qui transportait des containers. L’équipage du cargo allemand avait eu le temps de se retrancher dans un endroit sûr du bâteau et n’avait pas été blessé.
L’objectif des pirates était d’exiger, comme dans de nombreux cas, une rançon des armateurs. Leur montant est en moyenne d’après les experts de quatre à cinq millions de dollars. Beaucoup de compagnies maritimes se protègent contre ces agressions par des mesures de sécurité, recourent à la protection des forces internationales présentes dans la région ou concluent des assurances. D’après les experts, 290 actes de piraterie ont été recensés durant les neuf premiers mois de cette année. La plupart d’entre eux ont eu lieu au large des côtes somaliennes.
La décapitation des accusés
L’acte de piraterie de ce printemps jugé à Hambourg n’avait pas été couronné de succès. Quelques heures plus tard, un navire néerlandais y mettait fin. En juin, les autorités de La Haye remettaient les dix Somaliens à la justice allemande. Leur procès s’est donc ouvert ce lundi. Il s’agit du premier du genre dans ce port important de la mer du Nord depuis 400 ans.
Mais il sera sensiblement plus long que ses prédecesseurs qui s’achevaient rapidement par la décapitation des accusés. Des auditions sont prévues jusqu’à la fin du mois de mars. Les dix hommes risquent jusqu’à 15 ans de prison pour « attaque sur le trafic maritime et tentative d’enlèvement en vue d’obtenir une rançon. »
Mais la procédure n’a rien de simple. D’abord, parce ce que les accusés ne se sont pas exprimés sur les faits qui leur sont reprochés. Le tribunal a dû tirer au clair –avec un succès relatif- des données de base qui en Europe ne posent pas problème, à commencer par l’identité et l’âge des accusés.
« Je suis né sous un arbre », a déclaré l’un des hommes lundi. Un autre a affirmé être venu au monde « pendant la saison des pluies ». Ils n’avaient aucun papiers sur eux lors de leur arrestation ce qui est de toute façon une gageure dans un pays aussi troublé que la Somalie.
L'un des accusés n’est âgé que de treize ans
Autre difficulté pour la justice allemande, déterminer l’âge des dix hommes et surtout celui des plus jeunes. S’ils sont mineurs, les sentences seront plus clémentes et les procédures différentes. Les défenseurs peuvent exiger que le public ne participe pas au procès.
Lundi, un des avocats a affirmé que l’un des accusés n’était âgé que de treize ans. Or, on ne peut être responsable de ses actes au pénal en Allemagne qu’à partir de 14 ans. La justice, faute de papiers, a eu recours à des examens médicaux pour déterminer l’âge des hommes. La défense met en doute certaines conclusions des médecins.
Au-delà de cette affaire proprement dite, le procès de Hambourg est également l’occasion pour les vingt avocats comme pour différentes organisations, présentes en partie devant le bâtiment, d’évoquer la situation en Somalie. Un Etat défait, une guerre civile qui dure depuis des années, une prise en charge médicale largement déficiente : tous ces aspects ont été évoqués par les défenseurs pour mettre en perspective la situation de leurs clients et éviter qu’ils soient uniquement jugés à l’aune des principes et des réalités prévalant en Europe.