Première exposition sur « Hitler et les Allemands »

La première exposition d’envergure consacrée à l’ancien dirigeant nazi ouvre ses portes ce vendredi 15 octobre au Musée de l’Histoire allemande à Berlin. Cette rétrospective qui marque une nouvelle étape dans le travail de mémoire du pays met en lumière les liens étroits entre Hitler et ses concitoyens.

Après le traumatisme du Troisième Reich, la fascination exercée par Hitler sur les Allemands entre 1933 et 1945, la popularité du Führer auprès d’une large partie de la population jusque dans les années de guerre rendaient une exposition consacrée à sa personne et mettant en avant la propagande de l’époque difficile. Les craintes étaient trop fortes que les vieux démons ne se réveillent. Les reliques du Troisième Reich ont été reléguées dans les caves des musées ; celles qui étaient tombées entre les mains des alliés après la guerre n’ont pas été réclamées par l’Allemagne. Il a fallu ainsi, à une exception près dans les années 50, attendre 2004 pour qu’un film de fiction mette Hitler au premier plan. La Chute sur les derniers jours de Hitler dans son bunker présentait le dirigeant du Reich de 1000 ans comme une loque humaine incarnée avec brio par l’acteur Bruno Ganz.

Au départ, le comité scientifique était opposé au projet

Mais quelques années auparavant une exposition consacrée au photographe de Hitler Heinrich Hofmann et présentée dans un premier temps à Munich n’avait pas fait le voyage de Berlin, tant les craintes étaient grandes de voir des clichés mettant en scène sous un jour positif le Führer. Et la nouvelle exposition du musée de l’histoire allemande à Berlin a mis quelques années avant de voir le jour. Le comité scientifique s’était opposé au départ à un projet dont il craignait qu’il entretienne la fascination morbide qui entoure toujours Hitler, et ce pas uniquement chez les nostalgiques du Troisième Reich.
 

La nouvelle exposition franchit donc une étape que le temps a sans doute permis même si les craintes antérieures existent encore. Pourtant, les curateurs du projet  ne s’attendent pas à voir débarquer des hordes de néo-nazis au musée. Auccune mesure de sécurité particulière n’a été prise. Il faut dire que ce qu’on peut y voir est de toute façon disponible sur internet. Les responsables du projet ont été toutefois très prudents et ont soigneusement évité la présentation de reliques dont l’attrait pourrait être malsain. On ne découvre pas d’uniformes du Führer ou des objets personnels. Quelques notes manuscrites rédigées pour un discours sont exposées. Les portraits propagandistes de l’époque ne sont pas plus présents. Dans une vitrine, des bustes de taille modeste de Hitler sont quasiment empilés les uns sur les autres moins pour souligner l’aura de l’homme que la production industrielle de tels articles à l’époque.

Les images de Hitler dans Paris conquis en juin 1940

Les responsables ont toujours pris soin de rappeler à côté d’objets de propagande porteurs par définition d’une vision idéologique et souvent déformée d’autres aspects du régime. A l’entrée de l’exposition, un fondu enchainé par exemple montre des images de Hitler dans Paris conquis en juin 1940 mais dans la foulée des camps de concentration. Devant une peinture de grande taille sur le peuple soudé face à la guerre des citations et autres documents rappellent les horreurs du régime. Dans une vitrine où la propagande célèbre la ville de Nuremberg où se tenaient en grande pompe les congrès du parti nazi dans les années 30, d’autres objets rappellent que c’est également là que les lois excluant les juifs ont été adoptées en 1935 et que là comme ailleurs des pogroms ont sévis contre cette communauté.

Hitler n’était pas un accident de l’histoire

L’exposition intitulée Hitler et les Allemands - communauté du peuple et crimes ne se veut pas une biographie illustrée. Elle souligne la médiocrité du personnage présenté comme un raté. Fidèle en cela à l’évolution de la recherche historique, elle ne présente pas le Führer comme un envoûteur au pouvoir magique qui aurait séduit et perverti le peuple allemand le conduisant à sa perte. Elle montre au contraire que Hitler a pu s’imposer sur un terreau fertile et n’était pas un accident de l’histoire, un corps étranger. En témoignent par exemple de véritables déclarations d’amour au Führer ou bien ce tapis mural réalisé sans ordre venu d’en haut par les femmes d’une petite ville à la gloire du régime et qui décorera l’Eglise jusqu’en 1945. L’exposition montre que le Troisième Reich était une dictature populaire ancrée dans toutes les couches sociales. En mettant cet aspect en avant, elle a le mérite de souligner l’actualité du travail de mémoire interrogeant les visiteurs sur les responsabilités de la société allemande d’hier et d’aujourd’hui.

L’exposition Hitler und die Deutschen. Volksgemeinschaft und Verbrechen, jusqu’au 6 février 2011 au Musée historique allemand à Berlin.

 

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