Casa Pia: la fin d’un interminable procès

C'est la fin du procès de la Casa Pia en cours depuis novembre 2004, le plus long de l'histoire judiciaire du Portugal. Six hommes et une femme ont dû répondre de centaines de crimes sexuels commis sur 32 mineurs. Le tribunal de première instance de Lisbonne les a condamnés à des peines de cinq à dix-huit ans de prison. Seule la propriétaire de la maison où se tenaient les orgies, a été acquittée.  

«Justice a été rendue, je suis heureux ». L’homme de 27 ans qui vient de sortir de l’anonymat est l’une des 32 victimes constituées partie civile dans le procès fleuve de la Casa Pia. Il a choisi le jour du verdict pour se faire connaître, pour témoigner. Les avocats des victimes affichent un sourire de satisfaction. Enfin, la reconnaissance de l’existence des abus et des viols à répétition dans l’établissement public pour enfants défavorisés!

Pedro Namora, ancien « casapiense », devenu avocat réputé, a du mal à cacher son émotion lorsque le tribunal de première instance de Lisbonne reconnaît comme véridiques les faits imputés aux 7 accusés du procès. Dans les locaux flambant neuf du « campus de la justice » installé au Parc des Nations dans le quartier de la Lisbonne moderne, les juges, les avocats, les victimes et les accusés ont attendu une journée entière la fin annoncée d’un procès qui dure depuis six ans.

A l’extérieur, une nuée de journalistes, et un dispositif policier important quoique discret ont attendu avec eux, pour connaître le dénouement d’un procès fleuve. Près de 1 000 témoins et spécialistes ont été entendus au cours de plus de 500 audiences. Le dossier contient 60 000 pages et tient dans 16 armoires.

Une sordide affaire de mœurs

En six ans, des dizaines de rebondissements, ajournements et reports se sont produits, ponctués d’erreurs, d‘hésitations et de scandales. Avec même une affaire dans l’affaire, avec l’inculpation de Paulo Pedroso, le nº 2 du parti socialiste en 2003. Emprisonné un temps, le jeune homme, brillant politique, considéré comme un futur candidat à la direction du PS est finalement relaxé. Après avoir été officiellement blanchi et obtenu une indemnité de la part de l’Etat portugais, il a repris sa carrière politique et est actuellement député.

Pour les juges et les experts chargés de recueillir les témoignages, le plus difficile a été d’entendre les déclarations des victimes, litanies de sévices et d’humiliations. Ce n’est qu’au cours du procès qu’il a été décidé d’enregistrer les témoignages, afin d’éviter des souffrances supplémentaires aux anciens élèves de l’institution.

Le verdict est enfin tombé

Six des sept accusés sont reconnus coupables. Le chauffeur de la Casa Pia, homme à tout faire, aussi zélé qu’insignifiant en apparence, et qui écope de 18 ans de prison. Il est le seul à avoir reconnu les faits dont on l’accuse. Le seul à avoir admis avoir violé des gamins et de les avoir livrés à des commanditaires amateurs d’orgies en tout genre. Pour sa défense, l’homme dit avoir lui-même été victime d’abus sexuels à l’âge de 4 ans et avoir tenté se suicider à 14 ans. Bouc émissaire ? Pièce essentielle d’un dispositif qui semble avoir fonctionné des années durant, sans que personne n’intervienne ou ne tire la sonnette d’alarme.

Selon des enquêtes indépendantes, les abus sexuels à la Casa Pia existaient déjà dans les années 1970, mais ces affaires de ballets bleus et roses auraient été étouffées au moment de la « révolution des œillets » en 1974. Des 32 victimes du procès Casa Pia, toutes n’ont pas eu le courage de se montrer à visage découvert.

Leurs avocats se disent soulagés de la reconnaissance des faits, mais se montrent inquiets du sort réservé aux dizaines de victimes qui n’ont pas pu ou voulu témoigner. Leur vie brisée les a condamnées à la drogue ou à la prostitution. Pour beaucoup, seule l’absence de cadavres sépare l’affaire Casa Pia de l’affaire Dutroux.

Les six accusés reconnus coupables ont décidé de faire appel de la sentence.

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