L'Allemagne donne un tour de vis sans précédent au budget de l'Etat

Le gouvernement allemand veut faire 80 milliards d’euros d’économies jusqu’en 2014. Après des heures de discussions difficiles, Berlin a adopté un programme inédit pour réduire les déficits et se profiler en bon élève de la classe européenne. L'occasion encore renouvelée d'un beau bras de fer entre conservateurs et libéraux.

Au premier abord, l’Allemagne est confrontée à des difficultés moindres que de nombreux pays européens. Malgré une récession sans précédent de près de 5% l’an dernier, le pays a même failli respecter en 2009 le pacte de stabilité européen avec un déficit budgétaire qui s’est finalement établi à 3,3% du produit intérieur brut.

Pour l’année 2010 l’endettement a néanmoins atteint des records, malgré une amélioration par rapport aux prévisions initiales. Surtout, l’Allemagne est obligée de faire de sérieuses économies en raison d’une nouvelle disposition introduite l’an dernier dans sa Constitution. Le déficit budgétaire ne pourra pas dépasser 0,35% à compter de 2016. Pour y parvenir un programme de rigueur historiquement sans comparaison était nécessaire.

Après une modeste baisse fiscale intervenue au premier janvier et reflet des promesses électorales de l’an passé, les baisses d’impôts, cheval de bataille des libéraux, ont été abandonnées. Le gouvernement a attendu les élections régionales du 9 mai dernier et les prévisions fiscales pour passer aux choses sérieuses et adopter un programme douloureux.

Allocations et subventions en peau de chagrin

Dès l’an prochain, les économies seront de 11 milliards et elles seront chaque année ensuite plus élevées. Seules l’éducation et la recherche seront épargnées car ces secteurs constituent « une source de croissance pour l’avenir » d’après Angela Merkel.
Pour le reste, les économies frappent tous azimuts. Le ministère du Travail et des Affaires sociales n’échappe pas à la règle. Certaines allocations pour les chômeurs seront supprimées. Le gouvernement veut réduire les subventions à l’agence fédérale pour l’emploi. Il espère que l’évolution démographique atténuera l’effet de ces mesures. Chaque année, à moyen terme, le marché de l’emploi allemand comptera un excédent de 200 000 départs ce qui pourrait permettre de diminuer les dépenses et de mieux prendre en charge les chômeurs.

Les aides aux familles, notamment le programme mis en place ces dernières années pour permettre aux parents de s’occuper de leurs jeunes enfants en touchant une partie substantielle de leur dernier salaire va être rogné.

Le secteur public montre l’exemple avec 10 000 à 15 000 postes supprimés dans la fonction publique et des primes qui disparaissent. Le ministère de la Défense et la Bundeswehr devraient faire l’objet d’une réforme d’ampleur qui reste à adopter. La taille de l’armée allemande pourrait de ce fait être réduite de 40 000 hommes (elle en compte 250 000 aujourd’hui). Ces projets interviennent alors que la durée du service militaire sera réduite de neuf à six mois au premier juillet 2010. Les libéraux prônent son abandon complet ; les chrétiens-démocrates sont contre.

Le secteur privé n'est pas épargné

Le secteur privé est frappé par une réduction des subventions. Les entreprises qui possèdent des centrales électriques devront s’acquitter d’une taxe en échange d’un report de l’abandon du nucléaire. Une taxe sur les transactions financières frappera le secteur financier. L’opposition et les syndicats ont immédiatement dénoncé des économies faites aux dépends des plus démunis et annoncent des mouvements de protestation. Angela Merkel estime elle que son plan est sans alternative et nécessaire pour assurer l’avenir du pays. Pour la chancelière allemande, « avoir des finances solides constitue la meilleure des préventions face aux crises futures ».

L’Allemagne veut aussi se profiler comme un bon élève de la classe européenne à l’heure où Berlin plaide pour un renforcement des sanctions au sein de la zone euro contre les Etats qui n’agissent pas suffisamment énergiquement pour diminuer leurs déficits. Mais ce programme d’économies de grande ampleur devrait en même temps relancer les critiques de ceux qui estiment que l’Allemagne confrontée à des difficultés moindres que d’autres devrait plus faire pour stimuler sa croissance intérieure et la consommation de ces ménages. Une critique formulée ces derniers temps notamment par les Etats-Unis mais qui se heurte à une fin de non-recevoir de l’Allemagne.
 

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