2018 avait été une bonne année pour la brasserie, qui réalisait ses premiers bénéfices depuis 10 ans et le rachat par Castel. De nouveaux salariés devaient être recrutés pour tenir la cadence. Avec la nouvelle imposition sur l'alcool, c'est l'inverse qui s'est produit. 18 ouvriers ont été licenciés, une vingtaine seraient sur le départ.
Souleymane Sané travaille dans le secteur le plus touché, celui de l'embouteillage : « On a diminué de 10 personnes, sur-le-champ. Et là aussi ça affecte notre travail parce que jusqu'à présent on n'a pas diminué les heures de travail. Et ça nous inquiète beaucoup parce qu'on ne sait pas ce que nous réservent les lendemains. Quand un gouvernement s'installe, ce n'est pas pour fermer les entreprises, c'est pour créer des emplois. »
La brasserie de Banjul est la plus grosse industrie de Gambie. Une fermeture du site entraînerait une crise sociale dans le pays, selon Alegie Ceesay, président du syndicat de la brasserie.
« Si on doit fermer à cause de la taxe, 200 personnes vont perdre leur travail. Derrière chaque salarié il y a 3 ou 4 membres d'une même famille qui vivent grâce au salaire versé par l'entreprise. Pas de salaire, ça veut dire pas de quoi se nourrir. Ce n'est pas bon pour la brasserie, ce n'est pas bon pour le gouvernement et ce n'est pas bon pour les Gambiens », souligne-t-il.
Pour un grossiste gambien, le prix d'un casier de bière a augmenté de 60 % du jour au lendemain. Fin avril, les ventes de bière en sortie d'usine avaient baissé d'un quart à cause de la nouvelle taxe. Nuire à la brasserie revient à nuire à l'économie du pays, selon Barri Darboe, directeur des ventes chez Julbrew : « Banjul Brew est la plus grosse industrie et chaque année elle paie des millions au gouvernement. Donc, nous estimons que la mesure est sévère, brutale, discriminatoire et insoutenable. C'est un investissement français ! On est censé soutenir les investisseurs français en Gambie. »
C'est toute la filière qui est touchée par la hausse des prix. Grossistes, revendeurs, bars et hôtels. Les complexes qui proposent les formules all inclusives doivent supporter les frais supplémentaires. La bière c'est un produit phare des hôtels de Gambie.
Pour Bunama Njie, président de l'association des hôteliers, le gouvernement a fait un très mauvais calcul : « Peut-être qu'ils vont récolter plus d'impôts de la part des brasseries de Banjul, mais moins d'impôts de la part des hôtels. Et si vous prenez tous les hôtels, on parle ici de plus de 40 établissements. C'est un gros problème pour l'économie et c'est un gros problème pour l'industrie parce que la Gambie perd en attractivité. »
Au-delà du tourisme, ce sont les Gambiens qui se plaignent d'une baisse continue de leur pouvoir d'achat. Et la bière n'est qu'un exemple secondaire.