C’est un fichier de plus de 200 noms dans lesquels on retrouve 25 politiques, 91 journalistes, des professionnels de l’agriculture et de l’environnement et des personnalités du monde syndical paysan. Pour 79 d’entre eux, considérés comme « cibles prioritaires » est indiqué avec un code couleur leur proximité, réelle ou supposée, avec les arguments de Monsanto. On y retrouve 5 « alliés », mais aussi 26 « potentiels alliés à recruter », 33 « à éduquer » et 10 « à surveiller ».
Parmi les « alliés », l’actuel conseiller aux affaires agricoles de l’Ambassade américaine à Paris, David Salmon, et parmi les « potentiels alliés » un ancien de la FNSEA, Jérémy Decerle, en quatrième position sur la liste En Marche aux Européennes. On y trouve aussi trois journalistes, dont un du Figaro, même si le gros des troupes est « à éduquer » ou « à surveiller ».
Vendredi, Radio France et le journal Le Monde ont annoncé qu’ils allaient déposer plainte contre ces pratiques alors que le Code pénal interdit de constituer une base de données sur des opinions sans le consentement des intéressés. Deux agences de lobbying sont visées, la française Publicis Consultants et l’américaine Fleishman-Hillard, mais c’est surtout la seconde qui est dans le collimateur. Car c’est à elle qu’on doit la liste principale de 200 noms avec non seulement le degré d’influence, mais les positions de chacun, en particulier sur les pesticides. Nous sommes alors à la fin 2016 et il s’agit d’influer pour obtenir le renouvellement pour quinze ans de l’autorisation du glyphosate, l’herbicide surtout connu pour son produit phare, le Round-up.
Alors ? Alors peu importe que ce produit ait déjà été classé « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer. Ce qu’il faut pour Monsanto, à l’époque, c’est obtenir au moins la neutralité de la France, alors que l’autorisation du glyphosate vient d’être prolongée de 18 mois, faute d’accord entre les États européens. On le sait, la France a finalement pesé à la fin 2017 pour l’autorisation ne soit finalement que de cinq ans.
Là où cette affaire gêne, c’est qu’elle met à jour des stratégies d’influence peu reluisantes. Car comment est-on « éduqué », à quelle opération de séduction est-on convié ? C’est cette transparence-là que l’on attend maintenant. Ces dernières années, on retrouve les mêmes techniques d’approche avec Philipp Morris en faveur de la cigarette ou avec Coca-Cola contre le recyclage. Ségolène Royal, l’ancienne ministre de l’Environnement dument répertorié comme hostile, a appelé à « nettoyer ce système de lobbying parfaitement nocif ».