Eh bien, au stade où nous en sommes, presque trois ans après le référendum où cette option de départ de l’Union européenne l’avait emporté de peu – 52% contre 48% chez les électeurs britanniques, ce Brexit, « Britain-Exit », est d’abord devenu le nom d’un immense fiasco collectif et surtout celui d’une classe politique littéralement incapable de trouver le moindre compromis pour traduire en actes censés et réalistes ce départ qui devait être si simple et qui s’avère si compliqué. Cette semaine, ils ont quasiment tout rejeté – l’accord de retrait que leur soumettait Theresa May pour la deuxième fois, mais aussi le fameux no deal, la sortie sans accord - d’une courte avance, il est vrai.
Le Brexit aujourd’hui est aussi le nom d’une crise politique
Oui, où l’on voit des parlementaires réputés pragmatiques ne plus l’être du tout, divisés en gros en quatre camps irréconciliables – même si certaines lignes bougent depuis quelques jours.
Il y a d’abord les « Hard brexiters » – ce sont les partisans les plus convaincus de la nécessité d’un Brexit brutal et radical – plus aucun lien politique ni économique contraignant avec le vieux continent. Ces derniers sont sur un agenda idéologique, europhobes et nostalgiques de la grandeur passée, et même trépassée, de l’Empire britannique. Pour eux, le Brexit, c’est la souveraineté et la liberté économique retrouvées. Sur une position totalement inverse, voici les « remainers », les anti-Brexit, qui veulent rester au sein de l’Union européenne. Beaucoup parmi eux souhaitent un 2e référendum, en espérant un résultat inverse à celui du 1er. Espoir douché jeudi soir.
Entre les deux, on trouve les partisans de Theresa May, qui acceptent l’accord de retrait compliqué - à cause du fameux « backstop » – conclu avec Bruxelles. Et enfin les partisans d’une sortie en douceur ou d’un divorce à l’amiable : ils souhaitent un « soft Brexit », avec un départ des instances politiques de l’Union, mais pas de l’Union douanière et des intérêts économiques et commerciaux partagés. Le problème – insoluble pour l’instant -, c’est qu’on trouve des partisans de ces différentes options dans quasiment tous les partis, d’où ces majorités impossibles.
Sauf quand il s’agit de gagner un peu de temps, tellement on ne sait pas quoi faire. C’est ce qu’ont finalement décidé les députés, mais le report du divorce au 30 juin est loin d’être acquis dans les faits. Enfin, ce Brexit pourrait aussi être le nom d’un affaiblissement économique en cas de sortie sans accord. Au moins à court et moyen terme.
Pour résumer, une crise identitaire et europhobe qui débouche sur une crise politique et peut-être demain sur une crise économique. Crise de nerfs assurée en tout cas, même si Teresa May, après avoir perdu sa voix et plusieurs votes, garde les siens, malgré tout. Comme on dit Outre-Manche , wait and see…Game is not over yet… Attendons de voir, la partie n’est pas encore terminée.. Drôle de partie, fascinante et pathétique à la fois.