A la Une: de report en report en RDC

« C’est le tube du moment en République Démocratique du Congo, soupire le site d’information congolais Cas-Info : le report. Un mot et deux petites syllabes, mais qui est devenu banal dans la bouche des responsables de la Commission électorale nationale indépendante. Après avoir reporté à trois reprises les élections qui étaient censées avoir lieu en décembre 2016, la CENI vient de s’engager dans une nouvelle série de reports. En renvoyant à plus tard et visiblement à l’infini, la publication des résultats d’élections déjà tardives. Pour justifier ce énième rendez-vous manqué, poursuit Cas-Info, le président de la CENI a évoqué la poursuite des travaux de ramassage et de transmission des plis des bureaux de vote vers les centres locaux de compilation. Alors qu’un peu plus de la moitié seulement des résultats compilés (53%) ont été traités en une semaine. Autant dire une éternité, sachant que 75.000 bureaux avaient ouvert leurs portes aux électeurs le 30 décembre dernier. »

Alors attention, prévient Cas-Info, « en donnant l’impression de prendre son temps, Corneille Nangaa, et son équipe, jouent avec le feu. » Pourtant, « il sait ce qu’il doit faire, c’est-à-dire, s’activer pour non seulement publier enfin ces résultats mais surtout les bons résultats. Il préservera le pays d’une nouvelle course folle de contentieux et de conflits postélectoraux. »

Plus de calendrier

En attendant, c’est donc le flou le plus total : la CENI n’a donné aucune échéance… « D’après le calendrier initial, rappelle Actualité CD, le ramassage, la compilation et la centralisation des résultats du vote pour la présidentielle devaient se faire du 31 décembre au 5 janvier. La même opération devait se dérouler du 31 décembre au 22 janvier pour les législatives nationales et provinciales. Les recours et le traitement des contentieux des résultats pour la présidentielle étaient prévus du 7 au 15 janvier. La publication des résultats définitifs était annoncée le 15 janvier et le nouveau président devrait prêter serment le 18 janvier. » Ce calendrier n’a pas été respecté.

La CENI sous pression

En fait, pointe Afrikarabia, « derrière ce nouveau 'glissement' du calendrier de la CENI, se cache l’embarras de la Commission pour annoncer des résultats qui risquent de ne pas convenir au pouvoir en place, qui a tout misé sur le 'dauphin' de Joseph Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary. Car depuis le scrutin chaotique du 30 décembre, c’est la Conférence épiscopale congolaise, la CENCO qui mène la danse et met la CENI sous pression. Avec ses 40.000 observateurs électoraux, la CENCO constitue l’institution indépendante la mieux organisée pour surveiller le scrutin. La CENCO, précise Afrikarabia, qui a été la première à dégainer, en indiquant avoir assez d’éléments pour affirmer détenir le nom du nouveau président congolais. Sans donner d’indications précises sur l’identité du successeur de Joseph Kabila, tout le monde comprend qu’il s’agit d’un candidat de l’opposition qui est arrivé en tête du scrutin : Martin Fayulu ou Félix Tshisekedi. Les évêques ont d’ailleurs prévenu les diplomates présents à Kinshasa, mais aussi le président Kabila, du nom de l’heureux élu. »

Seulement voilà, remarque encore Afrikarabia, « les observateurs avertis de la politique congolaise imaginent très difficilement la Commission électorale proclamer la victoire d’un candidat d’opposition. Et les mouvements de la société civile craignent surtout que ce report des résultats soit mis à profit par la CENI pour 'trafiquer' le vote en faveur d’Emmanuel Ramazani Shadary. »

Quel scénario ?

Et Wakat Séra au Burkina de s’interroger : « que va-t-il se passer maintenant ? Les Congolais, privés d’internet et d’informations, ne savent plus à quelle source se fier. La fermeture de médias, notamment une télévision proche de l’opposition, sans oublier la coupure des signaux et la suspension de l’accréditation de la correspondante de RFI, sont autant d’éléments qui jettent le discrédit sur ces élections. »

« Que prépare Joseph Kabila, si son poulain Emmanuel Ramazani Shadary devait mordre la poussière ? », s’interroge en écho Aujourd’hui, toujours au Burkina. (…) « Les jours qui viennent seront les plus longs, une éternité pour la RDC, dont la dangerosité n’a d’égale que la soif inextinguible des Congolais pour une vraie alternance, mais aussi la ténacité criminogène d’un pouvoir qui se battra pour préserver ses privilèges ».

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