Des voix de l’Internet emprisonnées en Algérie

Nous parlons avec vous, Amaury de Rochegonde, de la situation des journalistes et des blogueurs en Algérie, où Abdelaziz Bouteflika brigue un cinquième mandat en avril 2019.

Ce n’est sans doute pas un hasard : des arrestations de journalistes et blogueurs ont eu lieu en Algérie au moment même où l’on apprenait la candidature du président Bouteflika à un cinquième mandat, en 2019.

Dès le 22 octobre, Adlène Mellah, directeur des sites Dzair Presse et Algérie Direct, est arrêté et accusé « d’outrage aux institutions, enregistrement ou prise de vue sans autorisation ou consentement, et atteinte à la vie privée ».

Le 31, c’est au tour du directeur du site Aljazair24 IIyes Hadibi, et du directeur de la webradio Sarbacane, Abdelkrim Zeghileche, d’être placés en détention provisoire, sous le motif pour l’un de « diffusion d'informations personnelles sur des pages Facebook » ou pour l’autre « d’injures, diffamation et menaces ».

Le 23 octobre, ce sont encore deux journalistes du site Algérie Part, Abdou Semmar et Merouane Boudiab, qui sont arrêtés pour avoir publié des informations sur la page Facebook d’un cyber-activiste qui diffuse des accusations de corruption et monnaie son silence. Vendredi, les deux hommes ont été remis en liberté pour un « complément d’information ».

Une vingtaine de sites algériens ont dénoncé cette semaine une « campagne de criminalisation » de la presse électronique.

Après avoir longtemps pesé sur les journaux en contrôlant la publicité des entreprises d’Etat, les imprimeries et l’approvisionnement papier, les autorités algériennes se sont appliquées il y a un an ou deux à fermer trois chaînes privées.

Désormais, ce sont les blogueurs et les journalistes web qui sont dans leur viseur. Des web-reporters qui font aujourd’hui souffler sur les réseaux sociaux un vent de liberté qui n’épargne pas, bien sûr, Bouteflika, au pouvoir depuis près de 20 ans, malgré son incapacité à marcher ou son élocution très difficile à la suite d’un accident vasculaire.

Qui contrôle l’Algérie ? Lui ? L'armée ? Des hommes d’affaires ? Les trois à la fois ? C’est autour de ces questions que s’expriment les différences des voix de l’Internet. Face à eux, ces voix rencontrent parfois les médias eux-mêmes.

Le groupe Ennahar, le plus important groupe de médias privé, fait partie des plaignants, aux côtés du préfet d’Alger, contre Adlène Mellah mais aussi contre Merouane Boudiab et Abdou Semmar, notamment sur l’acquisition d’un terrain par des proches du pouvoir.

Pourtant, le rédacteur en chef d’Ennahar, Saïd Djerbal, a lui-même été brièvement arrêté pour avoir critiqué en octobre le patron des services de renseignement.

Ce n’est pas le seul paradoxe : en Algérie, il est en principe impossible d’emprisonner un journaliste pour un délit de presse.

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