Ukraine-Pologne: situation compliquée à la frontière terrestre entre les 2 pays

L’Ukraine a obtenu une libéralisation du régime de visas Schengen en juin 2017. Ses citoyens n’ont plus besoin de visas pour voyager dans l’espace de 26 pays européens dont la France pendant trois mois. Mais depuis cette décision, la situation aux frontières terrestres s’est compliquée. Il faut parfois plus de 15 heures pour passer de l’Ukraine à la Pologne. Pourquoi la situation a-t-elle empiré ?

De notre envoyé spécial à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine

De mémoire, les passages de frontière entre l’Ukraine et les pays de l’Union européenne ont toujours été une épreuve de patience, vécue par beaucoup comme une humiliation. Pour des questions de contrebande, de corruption, de contrôle de l’immigration, mais aussi pour de simples questions de logistique, ça prend beaucoup de temps. Ceci étant dit, il faut faire la part des choses. La situation dans les aéroports est assez fluide. Et traverser la frontière en train se fait sans trop de complications. Mais ce sont les points de passage routiers qui sont devenus un enfer, sur 1 390 kilomètres de frontière avec la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie, et en particulier la Pologne.

Ce qui se passe depuis un an, c’est d’abord et avant tout une conséquence paradoxale de la libéralisation du régime de visas Schengen. Les voyageurs n’ont plus besoin de visas mais doivent quand même avoir tous leurs documents en règle, c’est-à-dire un passeport biométrique ou des relevés de compte bancaire pour prouver qu’ils peuvent subvenir à leurs besoins. La vérification de ces documents se faisait avant aux ambassades et aux consulats lors de la demande de visa. Elle se fait maintenant au poste-frontière, quand les autorités le demandent, et ça prend du temps.

C’est d’autant plus vrai que de plus en plus d’Ukrainiens se présentent aux postes-frontières. On parle d’un million d’entre eux qui sont partis travailler en Union européenne, notamment en Pologne. Ça fait beaucoup. Dans le contexte de crise économique et financière en Ukraine, les candidats au départ se sont multipliés. La plupart profitent de la libéralisation du régime de visas pour y chercher un emploi, et régulariser leur situation. On n’est pas vraiment sûrs des chiffres, mais ça se compte par centaines de milliers. La Pologne a besoin de main-d'œuvre, a des salaires parfois le double par rapport à l'Ukraine, et la langue y est similaire à l’ukrainien. Donc elle attire beaucoup. Ça explique en partie que les gardes-frontières polonais aient renforcé les contrôles, pour lutter contre l’immigration illégale.

Dans ces contrôles, il s’agit aussi de lutter contre la contrebande qui fait vivre des milliers de personnes d’un côté et de l’autre de la frontière. Les files d’attente sont pleines de camionnettes qui transportent des cigarettes, de l’alcool, mais aussi des vêtements, des meubles, des équipements électro-ménagers. Ils opèrent à la limite entre petit commerce et contrebande, et jouent sur les quantités. Il n’y a que neuf postes-frontières routiers entre l’Ukraine et la Pologne, et les gardes-frontières sont souvent débordés. Les contrôles s’éternisent. Pour les particuliers qui veulent simplement voyager en tant que touristes, c’est particulièrement frustrant.

Le ministre des Affaires étrangères Pavlo Klimkine a dénoncé l’aggravation de la situation récemment. Est-ce que cela peut changer quelque chose ? La situation la plus efficace à court-terme, ce serait d’ouvrir de nouveaux postes-frontières. Mais les relations politiques sont tendues entre Kiev et Varsovie d'un coup, Kiev et Budapest de l'autre. Aucun projet de construction n’est à l’ordre du jour. Et de manière générale, on peut prévoir que la situation va durer dans le temps. L’Ukraine n’est pas prête de rejoindre l’Union européenne, si jamais cela se fait un jour. Et la situation économique ne donne pas de signe d’amélioration. Alors, les Ukrainiens vont probablement continuer de tenter leur chance ailleurs, que cela prenne cinq, 10, 15 heures d’attente aux frontières.

Partager :