Le populisme menace-t-il les démocraties ?

Comme chaque semaine nous retrouvons la chronique de Bruno Daroux, Le Monde en Questions. Après l’élection, dimanche 28 octobre, de Jair Bolsonaro à la présidence du Brésil, retour sur la montée en puissance de partis nationalistes et populistes qui parviennent au pouvoir dans plusieurs pays. Et la question posée est la suivante : le populisme menace-t-il vraiment la démocratie ?

La réponse est oui, de fait. Même si les choses sont plus nuancées qu’il y paraît au premier abord. C’est un fait que depuis quelques années, les formations qualifiées d’extrême droite progressent, deviennent des acteurs importants de la vie politique nationale et parfois parviennent au pouvoir en plusieurs endroits de la planète.

Les exemples ne manquent pas ces dernières années : aux États-Unis, en Hongrie, en Italie, en Autriche, en Turquie, et donc il y a quelques jours, au Brésil, des partis ou parfois des personnalités, conservateurs, xénophobes et autoritaires réussissent à s’imposer dans les urnes, pour des raisons parfois très différentes. Dans d’autres pays, comme en France ou plus récemment en Allemagne, des formations d’extrême droite s’installent durablement dans le paysage politique, et progressent, élection après élection. Entraînant au passage un vrai phénomène de « dégagisme » de pans entiers de la classe politique.

Pourquoi les électeurs se tournent-ils vers de telles formations ?

Essentiellement, parce qu’ils ont le sentiment que les formations traditionnelles, de droite comme de gauche, sont souvent inefficaces, parfois corrompues, et puis trop dans l’entre-soi, bien loin des préoccupations de leur peuple. Des jugements souvent injustes, et encore plus à l’emporte-pièce, tant est forte une forme de colère contre des dirigeants qui n’ont pas tenu leurs engagements de campagne. La déception est d’autant plus forte quand ce sont des partis prônant la justice sociale qui sont gagnés par la corruption – comme ce fut le cas au Brésil avec l’ex-président Lula et le Parti des travailleurs.

Depuis une trentaine d’années, la démocratie a du mal à s’adapter à une mondialisation effrénée, qui accentue les inégalités et rend impuissants certains dirigeants nationaux. En cette période de crise politique, économique et morale, les partis d’extrême droite, nationalistes et xénophobes, attirent de plus en plus d’électeurs désorientés, en souffrance, au chômage. Les solutions proposées par ces formations sont simplistes et porteuses de divisions. Peu importe : fragilisés, ces électeurs veulent entendre des réponses simples et immédiatement rassurantes.

Une démocratie qui progresse dans le monde

Pourtant, et dans le même temps, la démocratie progresse dans le monde, vaille que vaille : on peut évoquer la Tunisie, le Burkina Faso, le Sénégal, en Ukraine, la Géorgie, pour ne citer que quelques exemples. En Amérique latine, le Venezuela mis à part, les alternances s’effectuent sans problème majeur.

Alors, oui, la démocratie est confrontée à la montée des populismes. Et c’est sur le terrain des idées, mais surtout des pratiques et des réalisations, qu’elle combattra le plus efficacement les tentations de repli sur soi, et parfois en oubliant l’exigence de liberté. Car la démocratie, oui, c’est compliqué, c’est imparfait. Mais, pour reprendre le célèbre aphorisme de Winston Churchill, « il s’agit du pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres ». Voilà pourquoi, il faut la défendre, encore et toujours, et demander à ses dirigeants de se montrer exemplaires, et de proposer une vision… et un leadership, lisibles par les citoyens.

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