Giovanni Tria, le compromis à l’italienne

Portrait de Giovanni Tria, ministre italien de l'Economie et des Finances, au centre du bras de fer budgétaire avec les Européens.

Giovanni Tria a été préféré en juin 2018 à l’eurosceptique Paolo Savona, 82 ans, pour occuper le très stratégique ministère de l’Economie et des Finances d’Italie, deuxième pays le plus endetté de la zone euro, après la Grèce : 132 % du PIB contre plus de 180,8 % en Grèce.

Le président de la République italienne, Sergio Mattarella, s’était en effet opposé à sa nomination, voulue par la coalition au pouvoir formée par le Mouvement 5 Etoiles et la Ligue. Même si Giovanni Tria est très critique de l’Union européenne, c’est un pro européen. « Notre action en Europe doit être orientée vers une profonde réforme des institutions économiques », a-t-il déclaré à l’Assemblée italienne en juin dernier, soulignant « les graves insuffisances » des institutions actuelles.

Ce septuagénaire discret était professeur de politiques économiques à l’Université Tor Vergata, à Rome et directeur de l’équivalent de l’ENA, l’Ecole nationale d’Administration, à Rome. Il était méconnu du grand public, avant de prendre ses fonctions. « C’est un proche du milieu de centre droit italien. Il a été un des conseillers économiques de Silvio Berlusconi », explique Francesco Sacraceno, économiste à l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, et professeur à Sciences-Po Paris. « C’est un personnage assez complexe, parce qu’il a une tendance politique vers le conservatisme qui se marie avec des positions plutôt keynésiennes de l’économie. C’est-à-dire, on mettait beaucoup l’accent en Europe et en Italie sur la politique de l’offre pour relancer la croissance, et il a, lui, une vision assez poussée pour les politiques de la demande. »

Un budget controversé à défendre à Bruxelles

Mardi 16 octobre, Giovanni Tria a soumis à la Commission européenne, son projet de budget pour 2019 pour relancer l’économie du pays. Il prévoit des mesures sociales importantes : diminution de la pauvreté, revenu d’insertion en faveur des plus démunis, départ à la retraite à 62 ans   contre 65 ans aujourd’hui   pour ceux qui ont cotisé au moins trente-huit ans. Ces réformes sont coûteuses et risquent de creuser le déficit public italien.

Le ministre de l’Economie prévoit un déficit public à 2,4 % du produit intérieur brut. La Commission a déjà dénoncé un dérapage « sans précédent » avec les règles européennes qui pourrait l’amener à rejeter ce budget. Mais pour Francesco Sacraceno, Tria est l’homme de la situation défendre ce projet à Bruxelles : « Il l’est, oui, dans le sens où la coalition au gouvernement aurait très probablement proposé un budget beaucoup plus expansionniste et plus problématique au regard des exigences de Bruxelles. C’est-à-dire, on est bien en deçà du 3 % de la limite de Maastricht et un déficit public estimé à 2,4 % du PIB n’est ni irresponsable, ni farfelu », souligne Francesco Sacraceno. « Donc on voit déjà la main de Giovanni Tria dans le budget qui a été présenté et c’est clair que pour négocier avec l’Union européenne, surtout si les deux partis au gouvernement le laissent faire, il a des atouts : il est considéré comme modéré et on sait qu’il est là pour garantir la tenue des comptes publics. »

Un climat politique instable

Si la coalition au pouvoir le laisse faire, c’est là tout le défi, car le ministre italien de l’Economie est prisonnier d’une coalition aux idées qui parfois s’opposent. Plusieurs fois, le ministre de l’Economie a failli quitter le navire. Un climat qui ne rassure le monde de l’entreprise. « Il y a une sorte de schizophrénie. Tout le monde se rend compte qu’on est dans surenchère, une campagne électorale permanente qui ne rassure pas le milieu des affaires », souligne Giuseppe Attoma Pepe, fondateur d’une agence de Design, qui porte son nom, basée en France et à Milan. « Cela ouvre à l’incertitude. Les gens attendent de voir comment les choses vont s’orienter. Ce n’est jamais bon pour les affaires. Mais Tria est un homme qui rassure. S’il devait être remplacé, on ne sait pas qui viendrait, peut-être quelqu’un de plus extrémiste, c’est une situation inquiétante. Maintenant cela fait le pain bénit des comiques. Il y a un comique italien Morizio Crozza qui fait une imitation de Tria hilarante qui fait rire toute l’Italie en ce moment, mais c’est violent », conclut-il.

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