Ouzbékistan, vers une ouverture du pays

L'Ouzbékistan serait-il sur le chemin de la démocratisation ? En septembre 2016, le président Islam Karimov mourait après avoir pendant un quart de siècle dirigé le pays d'une main de fer. Son successeur, Chavkat Mirzioïev, avait été son Premier ministre durant 14 ans, un record de longévité sous cette présidence. Mais dès son arrivée, le nouveau président s'est différencié de son prédécesseur, lançant toute une batterie de réforme et libérant des dizaines de prisonniers politiques. Pour autant, ces mesures suffiront-elles à mettre un terme à l'une des plus sévères dictatures du monde ?

Shermamat Abdullozoda est réfugié aux Etats-Unis. Il a fui son pays l'Ouzbékistan avec sa famille en 2004. Là bas, il avait un poste important au ministère des Finances. Mais il s'était mis en danger en allant voir ses supérieurs pour leur faire part de son désaccord avec les méthodes de gouvernance. Depuis les Etats-Unis, il vient en aide aux réfugiés. Mais ces derniers mois, après l'arrivée au pouvoir de Chavkat Mirzioev, il a vu plusieurs familles faire le voyage inverse : le retour vers l'Ouzbékistan.

« Le président en personne a déclaré officiellement : "S'il vous plaît revenez. Il ne va rien vous arriver : travaillez ici, gagnez de l'argent sur vos terres". Certains de mes clients lui ont fait confiance et sont rentrés en Ouzbékistan. Avant, à peine arrivé à l'aéroport, on vous arrêtait et vous disparaissiez sans que personne ne le sache. Mais l'une des personnes que je connaissais a pu rentrer jusque dans sa ville natale. Là-bas on l'a interrogée, et j'ai été impressionné. On lui a dit : "Si vous étiez revenu il y a un an et demi, vous auriez été mis en prison à perpétuité, mais nous savons que ce n'est pas juste, donc rien ne va vous arriver. »

Mais d'autres clients de Sharmamat Abdullozoda qui avaient eux aussi fui après avoir été accusés de terrorisme n'ont pas reçu le même traitement. « Elles ont fait confiance, elles sont rentrées et ont été directement arrêtées par les agents de l'équivalent du KGB. Ces gens sont en prison actuellement. Même si l'Ouzbékistan est un pays à majorité musulmane, beaucoup de dossiers sont fabriqués, afin de faire passer les accusés pour des jihadistes. La plupart du temps tout est faux, mais cela donne le droit aux autorités de se débarrasser de personnes critiques en les condamnant à perpétuité. »

Si cette ancienne république de l'URSS semble s'ouvrir peu à peu, le chemin vers une réelle démocratie sera long. Akhmed Rakhamanov est chercheur dans un centre d'étude privé en Ouzbékistan. Selon lui, il est normal que le président ne donne pas au peuple un accès immédiat à la liberté.

Pour autant, selon Akhmed Rakhmanov, il est par exemple encore inimaginable d'organiser un semblant de manifestation dans les rues de la capitale Tachkent. Mais ce qui a attiré l'attention de la communauté internationale c'est surtout la multitude de réformes qui ouvrent le pays. Des chemins de fer et des lignes aériennes et ont été remis en service. La monnaie locale, le « som », est aujourd'hui convertible. Selon Julien Thorez chercheur au CNRS, lancer ces réformes c'est une étape primordiale pour conduire le pays vers une nouvelle ère.

L'Ouzbékistan est l'un des pays les plus pauvres au monde. Ses habitants espèrent que la reconstruction de l'économie permettra au gouvernement de se concentrer ensuite sur des problématiques plus sociétales. Le président se rend en France ce mois-ci, lundi 8 et mardi 9 octobre. Les associations de défense des droits de l'homme espèrent que Paris va insister pour que la justice ouzbèke enquête sur le sort des citoyens toujours portés disparus.

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