A la Une: Le départ de Nicolas Hulot

Un seul et même homme ce matin est à la Une des journaux. Et une avalanche de commentaires après la démission fracassante de Nicolas Hulot hier matin, en direct sur la radio publique France Inter. Après un peu plus d’an à la tête du ministère de la Transition écologique et solidaire, il a donc jeté l’éponge.

« Pourquoi il a raison », titre Libération. « Entre Hulot et ses collègues, le fossé est philosophique, affirme le journal. Et cette fois, le grand écart du "en même temps" provoque la déchirure. Les enjeux environnementaux sont désormais si pressants, si divers, si "totalisants", ils impliquent l’industrie, la ville, l’alimentation, l’énergie, les transports et, au bout du compte, l’avenir de l’humanité. Ils ne peuvent être pris en charge par un seul ministre, aussi talentueux soit-il. Un ministère vert ne suffit pas : c’est tout le gouvernement qui doit verdir. Or, estime Libération, il ne saurait le faire en se réclamant du libéralisme. »

En effet, pointe L’Humanité, « le libéralisme s’est avéré incompatible avec l’urgence écologique. […] Les petits pas ici ou là ne pesaient rien face aux gros dégâts des appétits financiers. En quatorze mois, le nouveau régime a balayé la jolie formule "Make our planet great again", (redonnons de la grandeur à notre planète) qui prétendait le distinguer de l’abandon de l'Accord de Paris sur le Climat par Donald Trump. »

« Il a cru au discours ambitieux d’un jeune candidat à la présidentielle »

Nicolas Hulot a été peut-être trop naïf, estime Le Midi Libre : « comme beaucoup d'autres, il a cru au discours ambitieux d’un jeune candidat à la présidentielle, prêt à défendre coûte que coûte notre planète contre les gaz à effet de serre, à faire plier les États-Unis sur le climat, à résister aux lobbys de la chasse et de l’industrie chimique. Mais très vite, dans la solitude de son ministère, l’ancien explorateur des déserts et des profondeurs marines a perdu ses illusions. Au milieu d’une jungle politique plus hostile que l’Amazonie, il a compris l’énorme supercherie dont il était la première victime. Un système libéral totalement insensible aux cris d’alarme d’un enfant sauvage. »

« Triste épilogue, soupire Le Républicain Lorrain, d’une bien pathétique séquence au cours de laquelle nombreux sont ceux qui, comme Hulot, ont voulu croire au volontarisme environnemental du chef de l’État. […] "Je me surprends tous les jours à me résigner, à m’accommoder des petits pas", a affirmé Hulot hier sur Inter. Allusion aux nombreux arbitrages perdus au fil des mois : report de l’objectif de réduction de la part du nucléaire, interdiction différée du glyphosate, entrée en vigueur du CETA entre l’UE et le Canada »

Finalement, relève Le Journal de la Haute-Marne, « il n’a pas réussi, parce que ce gouvernement comme les précédents a l’œil rivé sur les indicateurs économiques. Son échec n’est pas le sien. Comme il l'a reconnu, avec beaucoup de clairvoyance, il n’avait aucune troupe derrière lui. On ne gagne pas la bataille de l’environnement si l’on est général d’une armée mexicaine. Nicolas Hulot était le seul à sauver les meubles du mouvement écologique français, après les naufrages lamentables d’Eva Joly et consorts. Il n’en reste aujourd’hui que des vestiges avec des dirigeants falots et inconnus au bataillon. »

Nicolas Hulot, un homme libre pour Les Echos

Pour Les Echos, Nicolas Hulot se pose en homme libre, au contraire d’Emmanuel Macron : « "Si j'ai choisi Nicolas Hulot il y a quinze mois, c'est parce qu'il est un homme libre, je respecte sa liberté." Déclaration hier mardi à Copenhague d’Emmanuel Macron, pointe le quotidien économique, Emmanuel Macron qui a choisi le terme le plus positif qui soit à ses yeux pour réagir au désaveu pourtant cinglant que venait de lui infliger son ministre. Le coup est trop rude pour qu’il en soit autrement. Nicolas Hulot a en quelques mots, la voix étranglée, fait oublier son tempérament tourmenté et dépeint Emmanuel Macron en homme, justement, qui ne pouvait pas être libre, relèvent Les Echos. Pas libre de tenir ses troupes et de reporter un remaniement malgré l'affaire Benalla, comme il voulait le faire. Pas libre surtout de rendre la planète "great again" comme il s’y était engagé. Entre les rêves d’un homme libre et les marges de manœuvre d’un responsable politique, il y a tout un monde, affirme encore le quotidien économique. Un monde fait "de petits pas" qui valent mieux que "l’illusion des grands soirs", défendent désormais les proches du président. Il y a la "realpolitik". »

Enfin, pour Le Figaro, la leçon politique à tirer de cette démission de Nicolas Hulot, c’est la fin du « en même temps » : « En sortant de l’ambiguïté au détriment du chef de l’État, le ministre de l’Écologie n’a fait qu’accélérer un processus inévitable : la liquéfaction du "en même temps". Cette martingale électorale qui permettait de donner une main à la droite, l’autre à la gauche est devenue un carcan mortifère, estime Le Figaro. Partout, il annihile les audaces, éteint les enthousiasmes et finalement décourage les soutiens. Le "en même temps" est devenu un jeu à somme nulle. Les impôts ? La CSG augmente quand la taxe d’habitation disparaît. Les économies ? On préfère la discrétion du rabot à la réduction franche des effectifs de la fonction publique. Les entreprises ? On décide l’allégement de leurs charges, mais on en reporte l’exécution. L’immigration ? Le délai de rétention des clandestins s’étend, mais le regroupement familial s’élargit… Ce saupoudrage - les sondages en témoignent - ne contentera jamais la grande majorité des citoyens, affirme encore le quotidien de droite. Une réalité - économique, politique, sociale - autre que celle de la campagne s’impose à celui qui gouverne. Jusqu’ici, invoquant son projet, Emmanuel Macron a choisi de ne pas choisir. Hier c’était ingénieux, aujourd’hui c'est dangereux, conclut Le Figaro. En démissionnant, Nicolas Hulot a lancé l’alerte. »

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