La Grèce sort de la tutelle mais reste sous surveillance

Une page se tourne pour la Grèce, ce lundi 20 août 2018. Du moins dans ses relations avec les institutions européennes et le FMI. Après huit années de programmes d'aide internationale, le pays sort de la perfusion financière. En huit ans, la Grèce s'est vue verser 289 milliards d'euros de prêts par ses créanciers, la fameuse « troïka » Commission européenne, Banque centrale européenne, FMI. Athènes doit désormais se financer sur les marchés. Mais le pays est-il prêt ?

A entendre les créanciers, le pays est dans de bonnes dispositions pour naviguer seul sur les eaux des marchés financiers, pour reprendre la métaphore maritime du commissaire européen des Finances Pierre Moscovici.

Pourquoi cet optimisme de la part des partenaires européens, alors qu'aucun Grec n'oserait faire la fête aujourd'hui ?

En début de mois, Athènes a reçu une dernière tranche importante : 15 milliards d'euros pour lui permettre de couvrir ses besoins de trésorerie, et honorer ses engagements financiers pendant 22 mois après ce lundi.

Une sorte de matelas au cas où le décollage serait plus difficile que prévu. En juin dernier, un accord a été trouvé pour non pas réduire la dette faramineuse de la Grèce mais reporter son remboursement à 10 ans.

Tous ces éléments sont censés rassurer les investisseurs privés, leur indiquer que les titres grecs sont dignes de confiance à nouveau.

Et puis les perspectives économiques sont meilleures

Depuis l'année dernière, le pays est sorti de la récession. Il a renoué avec la croissance : 1,4%-2% attendus cette année, stimulée - ce n'est pas une surprise - par l'industrie lourde du pays, à savoir le tourisme.

Après les 30 millions de visiteurs accueillis l'an dernier, un nouveau record est attendu cette année avec 32 millions de voyageurs. Stimulé aussi par les exportations.

Pour satisfaire ses créanciers, le gouvernement grec a surtout réussi à maintenir un bon équilibre budgétaire. Le pays a même fait mieux que ce qu'on lui demandait.

En 2017, l'Etat a dégagé un excédent budgétaire de 0,8%. Et pour les créanciers, c'est un signe que le pays est en mesure de respecter ses engagements financiers.

Il y a plus d'argent qui rentre dans les caisses de l'Etat. D'immenses économies ont été réalisées ces dernières années.

Et, c'est là que le bât blesse. Car si les chiffres, au niveau macroéconomiques, ont meilleure mine, à la loupe, les stigmates des huit années de rigueur se voient très vite quand vous allez à la rencontre des Grecs.

Ils vous parlent du choc des coupes budgétaires dans les services publics, écoles et hôpitaux au premier chef, ou encore des coupes multiples dans les pensions, les retraites...

Ils vous parlent d'un fils d'une fille partis chercher un avenir ailleurs car le chômage continue d'afficher un piteux 20%. Les entrepreneurs, en particulier les plus petits, évoquent l'impossibilité d'obtenir des financements à la banque, car les banques sont encore fragilisées.

Et parce que les salaires sont faibles, parce que les temps sont durs, beaucoup de Grecs dépendent toujours de la retraite d'un parent pour vivre.

Quant aux mauvaises habitudes, en tout cas celles qui sont intolérables selon les « critères » européens, elles persistent ou réapparaissent. Des gens travaillent au noir pour vivre. Y compris des notaires et des avocats !

Bref, on ne sort pas de huit années de rigueur comme cela.

Le pays reste sous surveillance étroite de ses partenaires européenns

Tout est hors norme s'agissant de la Grèce. Sa dette de 300 milliards d'euros et la plus forte de la zone euro.

La surveillance le sera aussi. Davantage que celle de l'Espagne, du Portugal ou de Chypre, d'autres pays qui étaient sous perfusion.

Il y aura des visites des fonctionnaires européens tous les trois mois à Athènes. Avant tout pour s'assurer que le gouvernement d'Alexis Tsipras ne revient pas sur les réformes qui ont été décidées.

Dans les prochains mois, on peut s'attendre à quelques remous dans la mer d'huile décrite par les responsables européens. En 2019, des élections législatives sont organisées en Grèce.

Au plus bas dans les sondages, Syriza, le parti du Premier ministre, aura-t-il les coudées franches pour faire passer quelques-unes des réformes de son programme social ? Ou devra-t-il pour cela affronter ses créanciers ?

Comment réagiront les Grecs, résilients mais très en colère, dans les urnes, voire dans la rue ? Le cauchemar, diront certains, ou du moins le feuilleton, continue.

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