Sa personnalité frondeuse ne se révélera cependant qu'au milieu des années 60. L’Amérique est embourbée dans une confrontation interminable entre Blancs et Noirs et, sous l’impulsion de son père, le révérend Clarence LaVaughn Franklin, elle devient une femme engagée qui profite de sa notoriété croissante pour délivrer un message de paix et d’unité. Lorsque le label Atlantic lui propose un contrat discographique en 1967, Aretha Franklin a déjà fait ses preuves. Ses mélodieuses harmonies ont illuminé le catalogue de Columbia Records, depuis 1961, mais elles vont trouver leur vérité dans une musicalité Soul plus brute et authentique alors que le mouvement des droits civiques bouscule l’autoritarisme social américain.
Aretha Franklin adapte Respect immortalisé par Otis Redding, elle emprunte People Get Ready à Curtis Mayfield, elle donne de l’éclat aux mots de Simon & Garfunkel dans Bridge over troubled water. Subrepticement, la "Reine de la Soul" fait entendre ses indignations et chante avec force et sincérité l’espoir d’un monde plus juste. Aretha Franklin vivra intensément ces 10 années de lutte, de gloire, de désillusions, de revers et de succès. Elle enregistrera de grands classiques, Natural Woman, Think, Chain of Fools, I say a little prayer… Cette période faste s’achèvera à l’aube des années 80. Longtemps portées par une société en ébullition, les fougueuses ornementations vocales de la jeune diva ne parviendront plus à accompagner les aspirations d’une population qui ne se retourne plus sur le passé.
Dès lors, et malgré les tentatives de son nouveau label, Arista Records, de redessiner les contours de son univers sonore, Aretha Franklin ne suscite plus l’engouement. Elle "duettise" avec les popstars en vogue (Annie Lennox, George Michael, Elton John, Whitney Houston), elle se cherche, devient une figure éminente du patrimoine noir américain mais sa voix se flétrit… Son aura reste pourtant intacte et ses apparitions sont toujours des événements. Le public n’oublie pas sa contribution sociale au cœur du bouillonnement afro-militant et sait apprécier la valeur artistique de cette femme vaillante. Il paraissait logique de la voir chanter, en janvier 2009, devant le premier président noir de l’histoire américaine, Barack Obama.
Comme Mahalia Jackson ou Miriam Makeba, Aretha Franklin entre dans la légende et appartient aujourd’hui indubitablement à "L’épopée des Musiques Noires".
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