de notre correspondant à Berlin,
Le dernier exemple en date est celui d'un réfugié afghan qui, après son expulsion dans son pays, est revenu dimanche 12 août en Allemagne. Le jeune homme de 20 ans a atterri à Berlin et doit regagner le nord-est du pays, où il résidait auparavant. Nasibullah S. avait été expulsé avec 68 autres Afghans déboutés de leur demande d’asile début juillet.
Ces renvois avaient provoqué une polémique, car le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer avait souligné que ces 69 personnes avaient été expulsées le jour de son 69ème anniversaire. Une remarque jugée de mauvais goût par beaucoup d’observateurs. Un Afghan expulsé s’était pendu après son retour dans son pays.
Les autorités ont expulsé plusieurs demandeurs d’asile avant l’épuisement de leurs recours
Nasibullah S. avait protesté lorsque la police était venue le chercher, rappelant que sa demande d’asile n’était pas tranchée en dernière instance. Son avocate, par ailleurs députée sociale-démocrate membre de la même grande coalition que le ministre de l’Intérieur, s’est démenée pour obtenir le retour de son client. Les autorités ont dû admettre qu’une erreur avait été commise concernant l’identité du jeune homme. Les coûts de son retour en Allemagne doivent être pris en charge par l’Office des migrations.
Et la semaine dernière, on apprenait avec retard qu’un réfugié ouïghour, minorité musulmane persécutée en Chine, avait été expulsé à tort vers son pays malgré les menaces qui pesaient sur lui.
Une autre expulsion a défrayé la chronique depuis la mi-juillet : celle d'un islamiste tunisien dont le dossier est particulièrement complexe. Sami A. est un Tunisien qui vit depuis longtemps en Allemagne. Il est suspecté d’avoir été formé dans un camp pour islamistes à l’étranger et même d’avoir été garde du corps du terroriste Ben Laden.
Les autorités allemandes essayaient depuis longtemps de le renvoyer dans son pays. Le nouveau ministre de l’Intérieur avait dénoncé un scandale à propos de la présence de l’homme en Allemagne.
Les autorités de Tunis ont émis des doutes sur les accusations de terrorisme
Samir A. a été expulsé à la mi-juillet vers la Tunisie, mais les derniers recours juridiques n’étaient pas épuisés. Le tribunal de Gelsenkirchen réclame depuis son retour estimant que l’intégrité du Tunisien pourrait être en danger dans son pays en raison des risques de torture. La ville de Bochum est même contrainte à payer une amende, mais a fait appel de cette décision. L’Office des migrations avait depuis argumenté que Samir A. était même en liberté depuis son retour en Tunisie et que les menaces sur sa personne n’étaient pas fondées.
Les autorités de Tunis ont même déclaré au magazine Der Spiegel mettre en doute les accusations de terrorisme contre leur ressortissant. D’après un journal allemand daté du lundi 13 août, les autorités allemandes auraient placé Samir A. sur la liste des personnes à refouler lors d’une éventuelle entrée dans l’espace Schengen.
La même région concernée par le cas Samir A., la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, veut visiblement éviter qu’un dangereux islamiste puisse rester des années en Allemagne. Un autre Tunisien condamné pour soutien à l’organisation État islamique a été immédiatement expulsé dans son pays après la fin de sa peine de prison.
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Les autorités européennes veulent augmenter le nombre d’expulsions… sans y parvenir
Plus largement, les autorités allemandes comme celles d'autres pays veulent augmenter le nombre des expulsions de migrants déboutés. Les expulsions d’étrangers dont les demandes d’asile ont été rejetées enflamment toujours les débats. Les uns jugent les pratiques utilisées inhumaines ; les autres, les responsables politiques, veulent que l’État de droit soit respecté. Et à l’heure où la politique migratoire allemande s’est durcie, cette volonté est encore plus fortement exprimée. Le nouveau ministre de l’Intérieur Horst Seehofer est en pointe sur ce dossier.
Mais les chiffres montrent que le nombre d’expulsions n’augmente pas. 12 600 ont eu lieu au premier semestre, un chiffre comparable à celui de la même période de 2017. Le nombre de cas où certaines mesures ont échoué, en raison de la résistance des personnes concernées, a quant à lui été multiplié par trois. Une tendance qui traduit sans doute le désespoir des migrants face aux pratiques plus radicales des autorités.