Pour rencontrer le fugitif le plus connu du Liban, il faut entrer dans le camp palestinien d’Ain el Relweh. Son avocate Zeina Masry lui rend visite tous les mois
« À chaque fois qu’on entre a Ain el Relweh, on doit passer ce barrage, il y a l’armée libanaise. Et donc là on arrive dans un endroit où ici il n’y a aucune autorité libanaise ? Oui ! Maintenant vous verrez Fadl où il habite. »
De Fadl Shaker les Libanais ont d’abord connu cette voix envoûtante. Une carrière de 20 ans interrompue au début du conflit syrien. En 2012, l’artiste se rapproche d’un cheikh salafiste, leurs ennemis : Bachar el-Assad et le Hezbollah accusés de persécuter les sunnites. L’image de l’époque du gendre idéal, rasé de près et costume ajusté, s’est écornée. Fadl Shaker 49 ans vit aujourd’hui reclus dans un 2 pièces perdu dans les ruelles du camp palestinien.
« Ça fait 6 ans que je suis entre ces quatre murs. Ça ressemble à une prison sauf que bien sûr il y a la liberté »
L’ancienne star échappe à une condamnation du tribunal militaire: une peine de 15 ans de prison pour son implication dans des affrontements avec l’armée libanaise en 2013. Deux jours de combats et une soixantaine de morts, dont 20 dans les rangs de l’armée.
« Quand je me suis indigné et que j’ai exprimé ma douleur, j’ai été accusé d’être un criminel, un terroriste ou un assassin de soldats, les officiers de l’armée proches de certains partis fabriquent les dossiers contre moi. »
Si la justice l’a en effet blanchi pour le meurtre des soldats, Fadl Shaker reste inculpé pour d’autres chefs d’accusation comme « l’appartenance à un groupe armé ». Qu’importe pour l’ex-idole qui veut faire son retour dans la musique.
« À la base, je suis chanteur, qu’est-ce que je vais peux faire d’autre que chanter dans ma vie ? »
Le mois dernier, Fadl Shaker faisait son come-back avec ce morceau enregistré pour une série télé égyptienne. Un retour inacceptable pour les proches des soldats tués. Sandy Tannous a perdu son frère dans les affrontements de 2013.
« Nos frères et nos pères sont morts dans cette bataille. Comment peut-on accepter que quelqu’un qui ait contribué, participé et financé à cela revienne à sa vie normale alors que la notre ne sera plus jamais la même. »
Sous la pression, la production a supprimé le morceau. La preuve pour le journaliste Béchara Maroun que la renaissance artistique de Fadl Shaker s’annonce compliquée.
« Une grande partie des Libanais sont contre lui, je ne pense plus qu’il pourra faire des concerts ici. Peut être qu’ailleurs au Maroc en Algérie en Égypte, les gens seraient plus aptes à accepter Fadl Shaker. »
Fadl Shaker lui assure être toujours en contact avec des producteurs. De son aveu, le dernier morceau enregistré pour la série égyptienne lui aurait rapporté 40 000 dollars.