Depuis trois mois, la marine russe s’est mise à intercepter tous les bateaux de commerce qui traversent le détroit à destination des grands ports ukrainiens, notamment Berdyansk ou encore Marioupol, dans le Donbass. Dans le sud-est de l’Ukraine, le commerce maritime est en train de s’effondrer. Une situation suffisamment grave pour qu’à Kiev, on parle de nouvelle annexion par la mer, du littoral ukrainien.
Autrefois, la mer d’Azov était une mer intérieure de l’URSS. Mais depuis 1991, elle est devenue une mer internationale, avec un statut particulier : ses eaux sont partagées entre la Russie et l’Ukraine. Un accord entre les deux pays régulait jusqu’ici le passage du détroit de Kertch.
Pourtant, depuis l’annexion de la Crimée, les deux pays sont en situation de guerre non déclarée et la Russie veut s’assurer l’approvisionnement de la Crimée et le contrôle du détroit, sur lequel elle a construit un pont de 18 km. Et dans cette mer, l’Ukraine n’a jamais eu de bateaux militaires. La Russie, elle, jusqu’à cette année, n’y disposait que de quelques embarcations de garde-frontières. Mais depuis plusieurs semaines, la situation a complètement changé.
Un blocus russe
Selon des spécialistes du monde maritime, la Russie est en train d’effectuer un blocus de la Mer d’Azov en y transférant des vaisseaux militaires qui perturbent le commerce maritime et qui se rapprochent au plus près des côtes ukrainiennes. Depuis le mois de mai, douze navires de guerre légers russes, des canonnières, ont été transférés de la Mer Caspienne à la Mer d’Azov, et sur la même période, le nombre de bateaux des garde-frontières russes, sur la même zone, a été multiplié par trois.
Depuis l’ouverture du pont, qui fait 33 mètres de haut, 50 % des navires commerciaux sont désormais hors gabarit. De plus, les garde-frontières russes, en réalité le FSB, le Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie, ont commencé à arraisonner quasiment tous les bateaux de commerce internationaux qui se rendent à Marioupol.
On estime qu’un navire marchant qui va pénétrer dans la mer d’Azov et devoir en sortir est désormais mis à l’ancre pour divers contrôles pour une durée de deux à quatre jours, ce qui entraîne une perte de 15 à 20 000 dollars pour les armateurs.
Le commerce en chute libre
Selon le ministère des Transports ukrainien, les ports de Marioupol et de Berdyansk ont déjà perdu 50 % de leur trafic en seulement trois mois. Or, ce sont des sites cruciaux pour l’économie ukrainienne. Le port de Marioupol, c’est 3 500 employés, dans une ville d’un demi-million d’habitants, qui vit de la métallurgie et de l’expédition d’industrie du Donbass.
A terme, ces deux ports peuvent littéralement s’effondrer, et cette situation créerait une énorme tension sociale, de l’instabilité, alors que les élections ukrainiennes sont prévues pour mars 2019, et que nous sommes tout proche de la ligne de front. De plus, il faut savoir que les autorités ukrainiennes, mais également les pêcheurs locaux, ont repéré des bateaux militaires russes à seulement 6 km du littoral ukrainien.
D’autres mouvements en mer sont observés au large du littoral d’Odessa, de l’autre côté de la Crimée. L’objectif pour les Russes est de sceller sa mainmise sur la Crimée et les eaux de la Mer noire. Et si elle n’a pas réussi à assurer une continuité territoriale avec la Crimée par la terre, elle est en train de le faire par la mer. L’Union européenne, début juillet, lors du sommet UE-Ukraine, s’était déjà alarmée de la situation.