►Liesl Louw-Vaudran
RFI : Jacob Zuma devait démissionner ?
Liesl Louw-Vaudran : Oui, il était vraiment sous une pression énorme ! Il y avait cette motion de défiance d’EFF, le parti d’opposition, et cela aurait été une humiliation énorme pour Jacob Zuma, d’être destitué par une partie de l’opposition, avec les votes de son propre parti. Mais il y a aussi beaucoup d’autres facteurs. Par exemple, la police est arrivée chez les Gupta, à Johannesburg. Jacob Zuma est accusé d’avoir travaillé avec cette famille indienne dans plusieurs affaires de corruption. Donc il y avait des procédures policières contre Zuma et ses alliés. Il y avait plusieurs incidents qui font qu’après huit jours de négociation, il ne pouvait plus continuer.
Effectivement, la police anticorruption a perquisitionné le domicile des Gupta, cette riche famille d’hommes d’affaires, amie du président Jacob Zuma. Trois personnes ont été arrêtées, dont un des frères Gupta, qui est toujours en garde à vue. Quel est le rôle qu’a joué le patron de l’ANC - Cyril Ramaphosa -, dans cette démission, dans ce départ anticipé de Jacob Zuma ?
Il était absolument clé. Parce que, depuis le 17 décembre de l’année dernière, quand il était élu président du parti, c’est vraiment lui qui a pris en main un parti profondément divisé. Et c’est grâce à lui, il y a quelques jours, que le Conseil national exécutif de l’ANC a pris la décision de demander la démission de Jacob Zuma. Donc, Cyril Ramaphosa a joué un grand rôle fédérateur. Parce que, la crainte c’est que l’ANC reste complètement divisée sur la question du départ de Jacob Zuma et c’est aussi à cause de cela que cela a pris aussi longtemps.
Il y a également un autre élément qu’il faut évoquer, peut-être, dans cet échange. Cette crise intervient, alors qu’on célèbre en ce moment le centenaire de Nelson Mandela, figure historique de l’Afrique du Sud et de l’ANC. Est-ce qu’on peut dire que Ramaphosa rappelle les années Mandela ?
Oui, absolument. Ramaphosa, d’ailleurs, a fait un grand discours ce week-end au Cap, dans le même lieu où Mandela a fait son premier discours, quand il a été libéré, en 1990. Ramaphosa était à ses côtés. Il a rappelé comment cette libération a eu lieu. Et c’est lui, d’ailleurs, qui a tendu le micro à Mandela. Donc, il incarne aussi une certaine image du parti au pouvoir, proche du peuple. Cyril Ramaphosa est un ancien syndicaliste, mais aujourd’hui, bien sûr, c’est un richissime homme d’affaires et il était vice-président pendant un certain temps. Mais c’est tout à fait autre chose que Jacob Zuma. Je pense qu’on parle beaucoup, en ce moment, des affaires de corruption contre Jacob Zuma. Le chômage est extrêmement élevé en Afrique du Sud à cause des gestes directs de Jacob Zuma. Par deux reprises, il a viré deux ministres des Finances très importants dans le pays, ce qui a fait plonger la monnaie. Les Sud-Africains ont vraiment tenu Jacob Zuma, directement et personnellement, responsable pour le fait que l’économie est devenue vraiment très, très basse. Il y a une croissance minime d’environ 1% et c’est en large partie dû à la mauvaise gouvernance de Jacob Zuma.
Sur le plan politique, on sait que le parti est fragilisé. Même s’il est au pouvoir, il est fragilisé. Quel est le bilan politique de Jacob Zuma ?
C’est catastrophique en fait. Parce que, sous le mandat de Jacob Zuma, pour la première fois, le parti a perdu les deux grandes villes : Johannesburg et Pretoria. Donc, les élections locales en 2016 étaient vraiment historiques, dans le sens où l’ANC a perdu ses deux grandes villes, le parti avait déjà perdu Le Cap. Donc, le soutien de l’ANC a plongé sous Zuma. Et puis, il laisse vraiment derrière lui le parti divisé. Le Parti communiste, d’ailleurs, a décidé de faire cavalier seul lors des prochaines élections ; je ne sais pas si cette décision sera maintenue sans Jacob Zuma. Mais c’était vraiment catastrophique sur le plan politique.