Iran: les raisons de la colère

Les Iraniens sont à nouveau descendus dans les rues des grandes villes lundi 1er janvier au soir pour manifester leur mécontentement. La politique économique du président Rohani a commencé à produire des premiers effets macro-économiques salutaires, mais elle est loin d’avoir ramené la prospérité promise pendant la campagne électorale.

En un an, le prix des œufs a doublé en Iran. Cela fait partie des faits souvent rapportés pour expliquer ce coup de colère d’une population excédée par la cherté de la vie. Pourtant cette hausse singulière n’est pas du tout un symptôme d’inflation. Elle s’explique par l’épidémie de grippe aviaire qui a contraint les éleveurs à abattre des millions de volatiles. L’inflation est montée jusqu’à 45 % sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, elle est aujourd’hui encore élevée, autour de 10 % mais en passe d’être maitrisée. Cela fait partie des succès à porter au crédit du président Hassan Rohani. La colère de la rue iranienne explose en fait au moment où le président commence à engranger des premiers résultats macro-économiques salués par le FMI et la banque mondiale.

Des effets peu visibles

Mais les Iraniens ne ressentent pas du tout les bienfaits de sa politique économique, car il y a encore un long chemin à parcourir avant d’accéder à la prospérité qu’il a promise pour se faire élire. Éreinté par les sanctions internationales, l’Iran est sorti de la récession à partir de 2014. L’accord sur le nucléaire signé en 2015 a permis de relancer les exportations de pétrole, mais c’est seulement depuis quelques mois que la croissance commence à infuser dans les autres secteurs de l’économie. Cela va beaucoup trop lentement pour une population toujours confrontée au chômage de masse. Il touche officiellement 12 % de la population. Le taux réel serait plutôt de 30 % parmi la jeunesse.

Austérité

Le budget d’austérité présenté à la mi-décembre a aussi exacerbé le ressentiment des Iraniens. Ce budget qui sera mis en œuvre en mars, au début de l’année du calendrier iranien, a pourtant un volet important de dépenses publiques destinées à financer de grands projets qui vont doper l’emploi. Mais avant que ces projets se concrétisent, les Iraniens vont devoir s'acquitter très vite de nouvelles taxes, sur l’essence, les voitures... Une facture là encore jugée insupportable pour des ménages qui ont déjà des fins de mois difficiles. L’autre aspect polémique de ce budget, c’est l’argent déversé aux institutions religieuses, épargnées par les mesures d’austérité.

Les banques mises en cause

D’où la rage des manifestants qui s’expriment parfois avec des saccages de bâtiments publics ou privés. Des banques notamment. Elles inspirent de moins en moins confiance. Le système a été complètement dévoyé sous la présidence d’Ahmadinejad, avec l’émergence d’établissements de crédit se présentant comme des banques, leur faisant une concurrence féroce mais ne présentant pas les mêmes garanties. Le quart des transactions quotidiennes passeraient encore par ces institutions douteuses qui ont prêté sans compter.
Certaines ont été fermées par le président Rohani, mais tous leurs clients n’ont pas encore recouvré l’argent déposé. Par ailleurs, ceux qui souhaitent aujourd’hui récupérer l’épargne accumulée dans les établissements encore ouverts ont beaucoup de mal à obtenir satisfaction. C’est particulièrement le cas dans la ville très commerçante de Mashad, là où ont commencé les manifestations. Là encore, le gouvernement a prévu une enveloppe dans son prochain budget pour traiter le problème des banques. Trop peu, selon les experts. Et visiblement trop tard pour les Iraniens.

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