On va se bousculer ce matin sur les Champs-Elysées à Paris. Des centaines de milliers de personnes y sont attendues pour un dernier « salut » à Johnny Halliday.
Ce sera l’hommage du « peuple », ose lancer Le Figaro. Et par ce seul mot, cette manchette du quotidien conservateur ramassera probablement aux yeux de certains lecteurs plus que des sous-entendus.
Vous en doutez ? Et bien lisez donc le journal Libération ce matin.
Etant rappelé qu’hier, la nation a rendu un hommage solennel à l’écrivain Jean d’Ormesson, avec tout le faste et la compassion officiels auxquels n’aura donc pas droit aujourd’hui cette idole des jeunes que fut Johnny Halliday, Libé se lance, pour ne pas dire se lâche :
« Il y a du contraste dans l’air en cette fin de semaine, souligne donc Libération. Hier, la France a rendu hommage en comité restreint d’esprits lettrés à l’écrivain Jean d’Ormesson, aux Invalides, dans un style solennel, tout en retenue et sobriété. (Aujourd’hui), le convoi funéraire du "héros français" macronien, Johnny Hallyday, descendra les Champs-Elysées (…) Pour Johnny, 500 à 700 bikers pétaradant sur l’avenue parisienne remplaceront les académiciens, venus en tenue d’apparat célébrer dans un lieu à la sévérité toute militaire la mémoire de leur collègue du Quai Conti » !
Et donc, lors de ces funérailles de Jean d’Ormesson, Libération a vu « l’hommage de la France catholique (…) d’une France bien née, bercée de chants en latin, (…). Le Paris des beaux quartiers, en loden et vison, sans perfecto ni blue jeans à l’horizon » !
Et comme les obsèques de l’académicien d’Ormesson ont été mises en musique avec des airs de Bach et de Mozart, plus de Marseillaise, Libé lance cette remarque aux personnalités qui y ont assisté : « Toute la musique qu’ils aiment » ! Vous aurez bien sûr reconnu le titre d’un des tubes de Johnny Halliday.
Vous trouvez que Libération en fait trop ce matin sur ce « contraste » ? Peut-être. Mais comme le fait encore remarquer ce confrère décidemment très en verve, hier, aux obsèques de Jean d’Ormesson, la gauche était « en service très minimum » et la droite « en force », c’était la France du Lagarde et Michard, bucheronne Libération (étant rappelé que « Lagarde et Michard » sont les auteurs d’un manuel scolaire qui fut longtemps le pilier de l’enseignement du français au collège comme au lycée, en France comme dans nombre de pays francophones).
Johnny Hallyday : choc des mémoires
« Divisés », les Français ? Assurément, admet Le Parisien. Mais justement, les Français « ressentent profondément la nécessité d’être ensemble », énonce ce journal, selon lequel l’hommage à Johnny Halliday sera précisément ce « moment de communion » par eux souhaité. Et, à la Une du Parisien ce matin, cette photo nocturne de la Tour Eiffel sur laquelle était écrit hier « merci Johnny ». Et dans ce journal, la chanteuse Line Renaud, « marraine dans le métier » de Johnny Halliday, dit que « l’idole de musique contemporaine » du président Macron « était Johnny ».
Les deux France ? Fausse route, semble signifier ce matin La Charente libre : « Toute compétition entre les mémoires de Jean d'Ormesson et de Johnny serait aussi stupide que de prétendre comparer les obsèques du chanteur à celles de Victor Hugo, les seules jusque-là dont le cortège funèbre suivi par deux millions de Français avait descendu les Champs-Elysées. Nul doute que l'aristocrate républicain Jean d'Ormesson aurait partagé cet hommage hors normes à Johnny. Et qu'il l'aurait forcément trouvé "épatant", son adjectif favori », veut croire ce quotidien de l’ouest de la France.
Peut-être, mais on sent tout de même comme une gêne sur ce non-dit dans la plume du Figaro : Jean d'Ormesson « était un écrivain de haute lignée mais devenu populaire comme une star de la scène », souligne ce journal. Johnny Halliday était « un chanteur mais c'est peu dire, un véritable phénomène musical qui fascina jusqu'à François Mauriac. On est là en présence de ces mythologies chères à Barthes : des personnages du présent qui expriment de mystérieuses permanences », remarque Le Figaro (lequel, nous n’en doutions pas, a lu – et compris - Roland Barthes).
De quoi donc se poser des questions et c’est ce que fait le journal Les Dernières Nouvelles d'Alsace : « Si les clivages et les luttes ne s'effacent plus que devant des catafalques, quels nouveaux totems et quelles nouvelles places de village à l'avenir ? » Bonnes questions, en effet.
Laïcité : le retour du religieux
Aujourd’hui 9 décembre, c’est la date anniversaire de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat en France. Et c’est aussi depuis 2011 la Journée de la laïcité. Le journal La Croix y consacre sa Une et plusieurs pages intérieures car, souligne le quotidien catholique, la laïcité, c’est un « atout pour vivre ensemble ».
De fait, les tensions se sont accrues en France ces derniers temps autour du religieux du fait de la présence de l’islam dont des membres de plus en plus nombreux à vivre et s’installer dans « notre » société, dit à La Croix l’Archevêque de Marseille Mgr Georges Pontier. « L’ignorance est le drame de notre période actuelle : c’est elle qui rend vulnérable à l’extrémisme et à la manipulation, remarque-t-il (…) Nous avons créé cette méconnaissance en excluant les religions de l’école et de l’université (…) Nous avons tellement peur du religieux que nous préférons l’ignorer que l’enseigner », déplore, dans le quotidien catholique, ce prélat qui est aussi président de la Conférence des évêques de France.