Est-ce parce que c’était « l’Elvis Presley de la Grande nation » comme dit le journal allemand Süddeustche Zeitung, ou bien est-ce parce que Johnny Hallyday était devenu une icône, un héros comme dit Macron après cinquante-cinq ans de carrière, 100 millions de disques vendus et 79 couvertures de Paris Match ?
Toujours est-il que la disparition de ce chanteur éminemment populaire a eu une résonnance médiatique hors du commun, pour ne pas dire démesurée, au moment même où Donald Trump annonçait la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les Etats-Unis. Un signe ? Le journal de 20 heures de France 2, le 6 décembre, jour des deux événements, a été constitué de douze sujets sur Johnny Halliday et d’un seul sujet sur la décision de Donald Trump. L’institut Kantar a calculé que ce jour-là, l’impact a été si considérable dans les médias et sur les réseaux sociaux que la mort de Johnny a battu de peu l’élection de Donald Trump un an plus tôt en termes de bruit médiatique en France (3853 unités contre 3820)
Et ce n’est pas fini. Ce samedi, les chaînes ont décidé de continuer de se mobiliser en rebasculant en édition spéciale pour l’adieu à Johnny. Dès 11h, les téléspectateurs peuvent suivre en direct sur TF1 le cortège funéraire depuis le Mont Valérien jusqu’à l’église de la Madeleine où s’est délocalisée la rédaction de BFM-TV en passant par l’Arc de Triomphe. France Télévisions a modifié l’organisation du Téléthon pour faire une place à cet hommage populaire que l’on promet aussi grand que celui pour la mort de Victor Hugo en 1885. Dans la presse, inutile de chercher une différence de ton, de ligne entre L’Express, Le Point, L’Obs et Ici Paris ou Voici. Tous font des hors-série, des numéros spéciaux sur Johnny. Une seule variante : Jean d’Ormesson. Certains, comme Paris Match, Le Point ou Le Figaro Magazine dédoublent leur couverture dans les kiosques pour laisser une place à l’écrivain disparu un jour avant la rock star.
L’avantage avec Johnny, c’est qu’il a toujours permis à l’appareil médiatique d’anticiper. Les rumeurs sur sa mort prochaine ont permis aux éditeurs de peaufiner leurs numéros spéciaux. Celui dont on dit qu’il a fait 2000 Unes de magazines n’a pas toujours fait l’unanimité, notamment lorsqu’il a soutenu Nicolas Sarkozy, mais il a accompagné la vie d’à peu près tous les Français. TF1 ne s’y est pas trompé en ouvrant son journal sur une foule reprenant en chœur « Que je t’aime » : ce n’est pas seulement Johnny que les Français regardent passer dans son cortège funéraire, c’est aussi un peu eux-mêmes ou la dépouille de leur passé commun.