La réponse à cette question n’est pas encore acquise. Pour le pape François, ce déplacement, qui doit consacrer le nouvel essor d’églises chrétiennes encore très minoritaires dans ces deux pays et promouvoir le dialogue entre les religions, chrétienne, bouddhiste et musulmane, risque de se transformer en chemin de croix diplomatique tant chacune de ses paroles sur le sort des Rohingyas sera surveillée, relayée, commentée.
Il y aura d’abord la Birmanie, il y aura très vite la rencontre avec une icône aujourd’hui critiquée de la démocratie, Aung San Suu Kyi. Il y aura ensuite le Bangladesh. Mais il y aura donc d’abord, tout au long de cette visite en terre bouddhiste puis musulmane, la lancinante question du sort terrible réservé par l’armée birmane aux Rohingyas, cette communauté musulmane de l’Etat de l’Arakan. Une communauté jamais vraiment acceptée, durement réprimée depuis la prise du pouvoir par les militaires birmans en 1962.
Une communauté qui, depuis trois mois maintenant, se trouve à nouveau plongée en plein cauchemar, victime d’une répression aveugle autant que cruelle, qui a déjà poussé 600 000 personnes à se réfugier au Bangladesh voisin, l’un des pays les plus pauvres de la planète. Le Bangladesh, qui accueille ces malheureux civils, hommes femmes et enfants, du mieux qu’il peut - et en l’occurrence le mieux malheureusement est bien proche du pire.
Le pape ne verra pas les représentants musulmans en Birmanie
Entassés dans des campements insalubres, face à des autorités locales et nationales débordées par la situation, ces apatrides chez eux en Birmanie, survivent ou meurent de l’autre côté de la frontière dans des conditions juste effroyables, d’un point de vue alimentaire et sanitaire notamment.
Et voici donc le pape, ce pape qui s’est fait connaître par des déclarations claires sur les situations humaines les plus injustes. Que dira-t-il, ce Saint-Père des temps modernes, à Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix, celle qui a incarné physiquement la résistance à l’oppression, le souhait patient et déterminé de liberté, mais qui, une fois au pouvoir et face à ce drame, dénonce les terroristes Rohingyas, et le simplisme, selon elle, des gouvernements et des médias occidentaux ?
Lui seul le sait sans doute. Ce qui est clair, c’est qu’il ne rencontrera pas en Birmanie les représentants des musulmans dans ce pays. Une forme de recul par rapport à de précédentes déclarations dans lesquelles le pape dénonçait « la persécution des frères Rohingyas ». Mais François souhaite aussi protéger et développer son Église tout juste renaissante en Birmanie, et il ne veut, ou ne peut affronter trop durement les autorités birmanes. Au Bangladesh, il rencontrera les dignitaires musulmans, mais ne devrait pas se rendre dans un camp de réfugiés.
Une visite qui s’annonce donc comme un moment de vérité, ou de dure réalité diplomatique.