Mediapart contre «Charlie»

Depuis quelques temps, Mediapart et « Charlie Hebdo » se livrent à une guerre fratricide sans merci par publications interposées.

Dans les années 1980, on portait en badge une petite main jaune symbole de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, et où l’on ne pouvait imaginer qu’il puisse y avoir des positions irréconciliables, à gauche, dans le rejet de la xénophobie. C’est pourtant bien ce que vient de montrer cette semaine la violente polémique entre Riss, de Charlie Hebdo, et Edwy Plenel, le patron de Mediapart.

Premier acte, la semaine dernière, Charlie Hebdo saisit l’occasion des accusations de viol contre Tariq Ramadan pour régler son compte à Edwy Plenel. Le journal publie en Une une caricature du journaliste dont la moustache voile tantôt les yeux, tantôt les oreilles, tantôt la bouche. Une façon de sous-entendre qu’il savait, mais ne voulait rien dire, rien voir ou rien entendre. Une éventualité grotesque pour la simple et bonne raison que personne n’avait connaissance de plaintes ou de fait d’agression sexuelle à l’encontre de Tariq Ramadan.

Même si elle reconnaît le droit à la caricature, l’équipe de Mediapart s’offusque alors en bloc contre l’idée d’une complicité entre Edwy Plenel et Tariq Ramadan. Leur patron est l’auteur d’un livre Pour les musulmans, il a bien participé à des conférences en 2014 et 2015 avec Tariq Ramadan, mais c’était bien avant que n’apparaisse le moindre soupçon sur lui. Pour les proches de Charlie Hebdo, cela n’en faisait pas moins de ce petit fils du fondateur des Frères musulmans un personnage infréquentable.

Le deuxième acte est arrivé cette semaine après la publication par Mediapart d’une tribune de soutien signée par 130 personnalités. Qualifiant cette Une de « diffamatoire et haineuse », le texte dénonce une « campagne politique » qui manipule la cause des femmes. Pour Edwy Plenel, qui n’est pas connu pour son humour, cette caricature « fait partie d’une campagne plus générale emmenée par une gauche égarée, l’ancien Premier ministre Manuel Valls en tête, dans “la guerre aux musulmans” ».

Dans un éditorial grandiloquent, Riss assure alors qu’il ne pardonnera jamais ce reproche de « guerre aux musulmans » qui reviendrait à « indiquer aux jihadistes leurs futures victimes ». Ainsi est rouverte la plaie béante qui oppose aujourd’hui deux gauches : l’une se veut proche des opprimés, donc des musulmans, l’autre de la liberté d’expression pour défendre la laïcité. On peut reprocher à Mediapart de sous-estimer l’islamisme, mais il convient alors aussi de constater l’alliance objective entre la droite anti-islam de Valeurs actuelles, le laïcisme de Manuel Valls et l’anarchisme de Charlie. Tous les trois ont d’ailleurs un même avocat, Richard Malka.

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