A la Une: élection sous haute tension au Kenya

On vote à nouveau au Kenya ce jeudi après la présidentielle annulée d’août dernier. L’opposition boycotte le scrutin ; le président sortant Uhuru Kenyatta est donc assuré d'être réélu.

« Voici le défi, s’exclame le Daily Nation à Nairobi. Une élection rejetée par près de la moitié des électeurs inscrits à l'échelle nationale est certaine d’avoir un problème de crédibilité, de même que la légitimité du gagnant. La tentation pour un président élu dans ces circonstances est de ne tolérer aucune opposition et d’employer la force brutale de l’Etat pour imposer sa volonté. L’histoire nous enseigne que cela ne marche jamais, prévient le quotidien kenyan, et nous espérons que le Kenya ne prendra pas cette route. (…) Si le président Kenyatta et M. Odinga ne mettent pas de côté leurs positions intransigeantes et ne cherchent pas de solution, alors il faudra trouver un autre moyen, poursuit Le Daily Nation. Il faudra s’assurer que les luttes de pouvoir parmi l’élite ne minent plus jamais la démocratie et la viabilité de la Nation. Les Kenyans doivent entamer des pourparlers, préconise le quotidien kenyan, dans le but de rétablir une base de confiance pour trouver une solution à ce rituel endémique de conflit et de tribalisme à chaque grande élection. »

Et le Daily Nation de supplier : « que ce soit la dernière crise électorale à affronter pour ce pays. »

Invectives et menaces

« Il est vrai, constate Le Monde Afrique, que le climat politique s’est nettement détérioré ces dernières semaines pour devenir délétère, les deux camps multipliant les invectives et les déclarations menaçantes. (…) Il n’y a pas eu de dialogue et les 19,6 millions d’électeurs inscrits sont appelés à se rendre aux urnes ce jeudi pour une élection qui devrait se résumer à un cavalier seul du sortant Kenyatta. En l’absence de Raila Odinga, les six autres petits candidats sont condamnés à jouer les faire-valoir. L’opposant s’était retiré de la course le 10 octobre, rappelle Le Monde Afrique, jugeant que les réformes susceptibles de garantir la tenue d’un scrutin libre et équitable n’avaient pas été menées à bien. La Commission électorale a entrepris certaines réformes : le mode de transmission des résultats est différent, un de ses responsables a été mis sur la touche. Mais l’opposition estime que l’institution est toujours majoritairement acquise au parti au pouvoir. »

Le monopole des Kenyatta et des Odinga…

Dans ces conditions, on va à l’affrontement, estime pour sa part Le Pays au Burkina. « L’opposition est en ordre de bataille, pour ne pas dire de guerre, pour empêcher la tenue du scrutin aujourd’hui. Et en face, les partisans d’Uhuru Kenyatta sont vent debout pour sa tenue, comme prévu. Le décor de l’affrontement est donc planté, lance le quotidien kinois. Et bien malin qui saurait dire lequel des deux camps va l’emporter. Ce dont on peut être certain, c’est que, quel que soit le gagnant, c’est l’ensemble du Kenya qui va accuser un grand coup. »

Et finalement, soupire encore Le Pays, « tant que la politique, dans ce pays, sera monopolisée par les Kenyatta et les Odinga et cela depuis l’indépendance, tant que la politique sera trempée dans la sauce fétide des ethnies, tant que la force des institutions ne primera pas sur celle des hommes forts, ce n’est pas demain la veille que le Kenya sera arrimé à la démocratie. C’est pourquoi les Kényans, qui sont encore politiquement lucides et qui sont dans la logique de placer leur pays au-dessus de tout, doivent travailler à mettre hors d’état de nuire tous ces politiciens qui sont en panne d’idées et qui, de ce fait, instrumentalisent les communautés pour la réalisation de leurs desseins machiavéliques. »

Les nerfs à fleur de peau

Attention, renchérit Wakat Séra, « dans un Kenya où les nerfs sont à fleur de peau à la veille de cette élection, les souvenirs des 1.200 morts et des plus de 600.000 déplacés dus aux violences interethniques provoquées par l’élection de 2007, ont très vite refait surface. »

Alors, s’interroge le site, « ne fallait-il pas reporter cette élection dont le déroulement et l’après ne présagent rien de bon ? Face à la hargne et la détermination des opposants à ne plus laisser passer l’imposture, comment réagiront les forces de sécurité fidèles au pouvoir et reconnues pour avoir la gâchette facile dans la répression brutale des manifestations ? »

Et Wakat Séra de conclure : « c’est le souffle presque coupé que les populations, celles qui n’ont pas fui la capitale qui présente tous les aspects d’un véritable volcan en sommeil, iront ou n’iront pas au vote de tous les dangers. A moins que les Kényans ne jouent à se faire peur, la marmite est au bord de l’explosion. »

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