« Quatre jours !, s’exclame L’Observateur Paalga à Ouaga. C’est le temps que passera le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en République centrafricaine, où il est en visite depuis hier mardi. Ce n’est pas tous les jours qu’un patron de la maison de verre de Manhattan passe autant de temps dans un pays, étant donné que son agenda est particulièrement surbooké. C’est dire l’importance que Guterres accorde à cette visite et l’urgence des problèmes auxquels il doit faire face. »
Alors, s’interroge Aujourd’hui, « que peut faire Antonio Guterres pour la RCA ? Mutineries à n’en plus finir, coups d’Etat, 5 Républiques ou pseudo-Républiques, un empire avec le dantesque Jean-Bedel Bokassa, 7 interventions françaises, dont la dernière, l’opération Sangaris, achevée fin 2016, voilà une partie de l’histoire de ce pays constitué de la jonction des deux rivières, l’Oubangui et le Chari. Mais, la dernière fiche signalétique sera bien accrochée au QG de la MINUSCA pour montrer de visu à Guterres, ce qu’est la RCA actuelle : un président, Archange Touadéra, élu en 2016, mais qui ne régente que Bangui, sinon, son palais de la Renaissance ; des rebelles qu’ils aient pour noms, FPRC, UPC, excroissances des ex-Seleka ou anti-Balaka, qui tiennent le Sud-Est, le Centre et le Nord-Ouest sous le joug de leurs canons ; plus de 4.000 morts entre décembre 2014 et décembre 2016 ; une force MINUSCA, forte de 12.500 hommes, accusée par les populations de tous les maux centrafricains : timorée, collusion avec les spadassins qui pillent et endeuillent, incapable d’assurer la sécurité du pays, et violeurs impénitents, ce qui avait même occasionné le rapatriement de 600 casques bleus congolais. »
Pas de miracle…
Le Point Afrique a longuement interrogé Jean-Pierre Tuquoi, ancien journaliste au quotidien Le Monde, qui a publié récemment l'essai Oubangui-Chari, le pays qui n’existait pas, aux éditions La Découverte. Un ouvrage qui retrace l’histoire tourmentée de ce qui est devenu depuis la République centrafricaine.
Pour Jean-Pierre Tuquoi, « pas de miracle. Antonio Guterres arrive quelques jours après de nouveaux massacres de civils perpétrés en province. On parle de plusieurs centaines de morts dans un pays où déjà un habitant sur quatre ou sur cinq est un déplacé ou un réfugié. Le secrétaire général de l’ONU sait que les casques bleus sur place – ils sont plus de 10.000 – sont incapables pour maintes raisons de pacifier le pays. Même si leur nombre est accru, le problème demeure. Ce qu’Antonio Guterres peut faire, estime Jean-Pierre Tuquoi, c’est pousser au dialogue, faire que les groupes armés déposent progressivement les armes et négocient, intervenir également pour que la communauté internationale appuie ses efforts de paix. Le processus sera long. »
Quelles solutions ?
En effet, complète Le Pays à Ouaga, « il faudrait travailler à se donner les moyens d’engager un processus de sortie de crise pour le retour d’une paix durable en Centrafrique. Cela passe nécessairement par une opérationnalisation du processus de DDR (désarmement, démobilisation et réinsertion) qui permettrait à la RCA d’amorcer un nouveau départ. Mais pour le moment, on en est loin. Et l’ONU doit nécessairement reprendre la main et le contrôle total de la situation, estime Le Pays, pour ne pas laisser les groupes armés reprendre du poil de la bête. Il appartient donc au médecin Guterres, au-delà du soutien moral que représente cette visite, de faire son diagnostic de la situation et de prescrire l’ordonnance la mieux adaptée au patient centrafricain. »
Enfin, Ledjely en Guinée dénonce pour sa part, la « tendance plutôt marquée chez les élites du continent à se faire la guerre. Surtout quand le pouvoir est en jeu. Autrement, dans un pays au passif si lourd et au retard si abyssal que la RCA, il n’y aurait aucune raison de s’écharper comme c’est le cas aujourd’hui. Au lieu de recourir à la logique du chaos et de l’autodestruction, les uns et les autres emploieraient plus utilement leurs énergies et intelligences au service de la lutte contre la pauvreté de leur pays et de la misère de leurs compatriotes. Hélas !, soupire Ledjely. En Afrique, autour du pouvoir et des richesses, les frères se font la guerre pour ainsi offrir au monde entier le spectacle dont il a besoin. Et c’est ainsi que la sinistre réputation de l’Afrique risée du monde continue à être entretenue. »