RFI : Le 13 août, aux alentours de 20 heures, où étiez-vous ?
Abraham Badolo : J’étais au café Istanbul avec un ami. Nous avons été tous surpris par les événements qui ont eu lieu là-bas.
Vous êtes arrivés vers quelle heure exactement dans ce café ?
Nous sommes arrivés autour de 21 heures. Nous nous sommes installés. Dès que nous avons reçu le menu pour la commande, les tirs ont commencé de dehors. On a été obligés… C’était carrément la débandade !
Vous étiez à l’intérieur ou à l’extérieur ?
J’étais à l’intérieur. On était même plus exposés, parce qu’on était juste à côté des vitres, juste à l’entrée.
De votre table, est-ce que vous saviez d’où venaient les tirs ?
Non. Les tirs ont commencé de l’extérieur. Les premiers qui se sont levés, qui voulaient savoir ce qui se passait, ont été les premiers touchés. C’était vraiment la débandade. Les gens ont commencé à courir. Nous avons tous couru. Nous nous sommes retrouvés carrément au dernier étage, avec d’autres personnes. Il y avait des blessés également, des blessés que j’ai personnellement pu aider à atteindre le dernier étage avec moi.
Une fois au dernier étage, qu’avez-vous fait ?
Arrivés au dernier étage, j’ai déposé le blessé. J’ai trouvé qu’il y avait d’autres personnes qui nous y avaient également devancés. Il y avait deux portes, une à gauche, une à droite. J’ai tenté de casser la porte de droite, mais elle était vraiment très dure à casser. Vu qu’on entendait toujours les tirs nourris, et que c'était en train de monter, nous avons tous décidé de nous mettre à plat ventre en attendant que les secours arrivent.
Deux assaillants sont-ils montés jusqu’à votre niveau, ou se sont-ils dit qu’il n’y avait plus personne au niveau supérieur de l’immeuble ?
Ils sont montés jusqu’à notre niveau. On a senti qu'ils sont montés jusqu’au niveau des escaliers. Ils ont regardé, ils ont tiré et ils sont redescendus. Nous nous disons vraiment que nous sommes des miraculés, parce que soit ils ne nous ont pas vus. Comment ? C’est inexplicable. Mais avec la grâce de dieu, ils ne sont pas arrivés à notre niveau.
D’où vous étiez, savez-vous à quel moment les secours sont intervenus ?
Ce que nous avons remarqué, d’abord, c’est que les assaillants ont eu le temps. Parce que nous, de là où l'on était, on les entendait recharger leurs chargeurs. On entendait même le bruit des scotchs, quand ils scotchaient leurs chargeurs. Après c’était encore des tirs.
Nous ne pouvons pas dire avec exactitude à quel moment il y a eu l’intervention. Nous savons que nous avons été secourus à partir de 1 heure et quelque du matin. C’est quand nous sommes sortis que nous avons vu qu’il était pratiquement 2 heures.
A certains moments, les assaillants s’arrêtaient de tirer, ils regarnissaient leur chargeur et ils les scotchaient, c'est cela ?
Oui. Parce qu’on entendait vraiment le bruit des balles qui tombaient. On les entendait vraiment faire du bruit. On les entendait jubiler. Ils étaient vraiment très contents de ce qu’ils étaient en train de faire. On les entendait parler, scotcher leurs chargeurs, même les garnir. On entendait le bruit : « clac, clac, clac ».
Vous les entendiez parler. Savez-vous en quelle langue ils parlaient ?
Il y a eu tellement de bruits de balles et autres, nous étions tellement paniqués que nous ne pouvons pas dire avec exactitude quelle langue ils parlaient. Parce que nos oreilles carrément étaient bourdonnantes, donc ce n’était pas simple.
Il y avait combien de tireurs ?
Nous en avons vu deux. Mais comme il faisait noir, ceux qui sont venus pour regarder s’il y avait peut-être d’autres personnes, nous n’en avons aperçu que deux. Mais il est possible qu’il y ait eu aussi d’autres tireurs. Car de dehors également, on entendait des tirs. Nous ne savons pas si ce sont des tirs de nos FDS [Forces burkinabè de défense et de sécurité, NDLR]. Nous pensions peut-être qu’ils étaient plus que deux.
Qu’avez-vous vu sur la terrasse exactement quand vous êtes sortis ?
Quand nous sommes sortis, d’abord dans le salon dans lequel nous étions à Istanbul, il y avait des corps partout, il y avait des cassures de vitres. Ce n’était pas joli à voir.
Comment avez-vous trouvé l’intervention des forces de sécurité. Est-ce que, selon vous, elle a été prompte, rapide, efficace ?
C’était quand même bien mené. Mais ce que j’ai à dire à nos autorités et au chef de l’État, c'est qu’ils donnent les moyens nécessaires à nos FDS pour qu’ils puissent vraiment être plus rapides et plus prompts à réagir face à ce genre d’attaque parce que, personnellement, j’ai été déçu de voir que nos FDS avaient pratiquement les mêmes armes qu’ils utilisent d’habitude, les mêmes Kalach'. Parce que pour ce genre d’intervention, il faut des armes plus adaptées.