Sylvain Lumu: l'élection présidentielle en RDC doit être «prioritaire»

Sept mois après la signature de l'accord de la Saint-Sylvestre entre pouvoir et oppositiuon, cinq organisations de la société civile reviennent dans un rapport sur l'application de ces engagements. Elles dénoncent le manque de bonne foi des acteurs politiques congolais. Sylvain Lumu, secrétaire exécutif de la Ligue des électeurs, est l'un des auteurs de ce rapport. 

RFI : Sept mois après la signature de l'accord de la Saint-Sylvestre entre le pouvoir et l’opposition, qui prévoit l’organisation d’élections générales d’ici la fin de l’année 2017, où en est-on de l’application de cette feuille de route ?

Sylvain Lumu : Malheureusement, il est constaté à l’issue de toute notre analyse que la mise en œuvre de cet accord a été calamiteuse et a connu d’énormes difficultés. Si bien qu’aujourd’hui, je peux bien vous dire, nous sommes presque à la case de départ.

Vous parlez d’une application calamiteuse, que voulez-vous dire exactement ?

Il y avait, premièrement, la mise en place du gouvernement, qui devait être consensuel afin d’accompagner, en principe, l’organisation de ces élections. Le gouvernement a été mis en place dans des conditions contestables.

Ensuite, il y avait la mise en place du Conseil national de suivi de l’accord [CNSA] et du processus électoral. La mise en place de ce Conseil jusqu’à ce jour semble connaître beaucoup de difficultés.

Les mesures de décrispation devaient être prises en compte, notamment, la libération des prisonniers politiques. Il se poursuit des arrestations, des restrictions à l’expression des manifestations publiques, des prisonniers d’opinion continuent à croupir dans les prisons. Tout cela ne permettant pas de nous assurer que le processus électoral sera libre, sera apaisé.

Aussi, le processus d’enregistrement d’électeurs qui devaient se terminer au 31 juillet se poursuit encore, au regard des difficultés qu’ont connues les opérations en ce qui concerne la sécurisation de certaines zones comme dans la Kasaï. Tout cela prend un retard énorme.

Sept mois après, on n’a donc pas de véritable gouvernement d’union nationale, ni de Conseil national de suivi de l’accord. A qui la faute, selon-vous ?

Les responsabilités sont partagées, parce que, d’abord, cet accord est un accord politique. Ceux qui sont en train de le mettre à l’œuvre devraient le faire de bonne foi.

Dans votre rapport, vous accusez le président Joseph Kabila d’avoir procédé au « saucissonnage » de l’accord politique. Que voulez-vous dire par là ?

Cela signifie qu’il y a eu des dispositions qui ont peut-être intéressées, et d’autres dispositions qui n’ont pas intéressées les acteurs pour la mise en œuvre de cet accord-là.

Comme quoi, par exemple ?

Cet accord dit, par exemple, que les institutions à mandat électif restent en place jusqu’à l’organisation des prochaines élections. Cela, c’est une disposition qui nous a semblé être respectée par les parties prenantes.

Par contre des dispositions qui intéressent l’opposition, celles là n’ont pas beaucoup intéressées. Par exemple, la libération des prisonniers d’opinion, la cessation du dédoublement des partis politiques d’opposition... Ce sont des choses qui, en principe, ne devraient pas connaître de difficultés quant-à la mise en œuvre.

Vous parlez aussi d’une responsabilité de l’opposition dans la non-implication de cet accord. A quel niveau ?

Le fait, pour l’opposition, de ne pas avoir été capable dans notre pays de s’organiser, c’est ce qui a aussi prêté le flanc à la mise en place difficile de cet accord. Si l’opposition pouvait parler d’une seule voix et arriver à proposer une alternative ou des candidatures, tel que c’était prévu dans l’accord, cela ne devrait pas créer tous ces problèmes.

Vous parlez de la nécessité pour les signataires de faire preuve de bonne foi. L’Église catholique congolaise d’abord, la communauté internationale ensuite, tous ont auusi demandé - à plusieurs reprises - aux acteurs politiques à plusieurs reprises de faire preuve. Comment changer la donne aujourd’hui, selon vous ?

Nous, à travers ce rapport, nous encourageons, nous recommandons au peuple congolais, de se mobiliser et de revendiquer son droit qui, in fine, est simplement son droit à des élections démocratiques pour s’assurer de l’alternance démocratique crédible dans notre pays.

Le peuple devrait se mobiliser et, par des moyens démocratiques, clamer, revendiquer la tenue des élections, quelles que soient les circonstances dans notre pays. Et ça, ça demande un engagement. Et cet engagement, le peuple ne peut l’obtenir qu’en mettant de la pression sur les institutions de la République, sur les autorités, qui doivent absolument revenir à la raison pour la mise en œuvre de cet accord.

Sachant qu’il reste moins de cinq mois avant la fin de l’année et l’organisation de ces élections, quelle est la priorité selon vous ? Organiser uniquement l’élection présidentielle dans un premier temps ?

Nous l’avons dit très clairement. Au regard du poids logistique, mais aussi du fait que l’élection présidentielle n’a qu’une seule circonscription - le territoire national -, cela peut faciliter une redéfinition de la séquence électorale. Et cela, c’est prioritaire. La séquence électorale peut être redéfinie en priorisant particulièrement l’élection présidentielle, qui cause d'ailleurs le plus de débat dans l’opinion et la crise que l’on connaît actuellement. Il convient de l’organiser en priorité.

Organiser l’élection présidentielle d’ici la fin de l’année, ça vous paraît-il encore réalisable, alors que nous sommes au mois d’août ?

C’est encore possible, c’est ce que nous avons dit.

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