Des milliers de manifestants sont encore sortis hier soir dans les rues pour demander la libération de Nasser Zefzafi, le leader de la contestation populaire dans le nord du pays, arrêté par la police. À Rabat, la capitale, un rassemblement de solidarité a été dispersé par la police devant le Parlement. Les policiers sont également intervenus à Casablanca.
Manifestations également dans d’autres villes du pays, comme Al Hoceïma, dans le Rif, d’où est parti le mouvement de contestation. Le site internet du magazine marocain Tel Quel raconte : « "Nous sommes tous Nasser Zafzafi". Portrait du leader récemment arrêté aux bouts des bras, plusieurs manifestants ont défilé cette nuit. Une foule massive qui a rempli le quartier de Sidi Abid. »
« La presse internationale comme les policiers étaient massivement présents, rapporte encore Tel Quel. Les avocats des prisonniers étaient aussi sur place pour réclamer leur libération. Le père de Nasser Zafzafi a également pris la parole à la fin de l'événement pour remercier les participants et appeler à conserver le caractère 'pacifique' des protestations. »
Dans le même, rapporte encore Tel Quel, « les libertés provisoires pour 25 des manifestants arrêtés après les évènements du 26 mai ont toutes été refusées hier par le tribunal d’Al Hoceïma. Le procès est reporté au 6 juin, alors que les avocats soupçonnent des mauvais traitements durant la détention de leurs clients. »
Un complot ourdi de l’étranger ?
Le quotidien marocain arabophone Assabah, cité par le site d’information Le 360, révèle pour sa part que« les enquêteurs ont pu mettre à nu les relations entre le leader du mouvement, Nasser Zefzafi, ainsi que les autres détenus compromis dans cette affaire, et des réseaux étrangers, localisés notamment en Europe et dont le but est de nuire à la stabilité du royaume. »
Assabah va encore plus loin, explique Le 360, « en affirmant que certains des prévenus comptaient mettre en place un plan de "révolution" similaire à celle qu’a vécue la Syrie. Leur plan, explique Assabah, était clair : créer des tensions dans le Rif et multiplier les provocations envers les forces de l’ordre pour les pousser à intervenir. »
« L’objectif était donc de faire en sorte que les affrontements dégénèrent et causent un maximum de dégâts humains, ce qui aurait permis au mouvement protestataire de s'attirer la sympathie de l'opinion publique, à l’intérieur et à l’extérieur du royaume. »
De son côté, Jeune Afrique a pu joindre le président de la région du Rif, Ilyas El Omari. « Au lendemain de la série d’arrestations dans les rangs des manifestants, dont leur leader, Nasser Zefzafi, le président de la région, pointe l’hebdomadaire, appelle à la tenue d’une conférence nationale sur le Rif pour réconcilier cette région historiquement frondeuse avec l’administration centrale. »
A la question de Jeune Afrique, « pourquoi les gens continuent-ils de protester à Al Hoceïma ? », Ilyas El Omari répond : « C’est le résultat de 50 ans de rupture de confiance entre le Rif et l’administration centrale. Nous avons commencé à récupérer ce retard mais depuis 2007, les retards d’exécution des projets s’accumulent. Beaucoup de rapports ont été faits sur la région mais pour très peu de résultats. »
Contagion ?
En Algérie voisine, qui entretient, on le sait, des relations compliquées avec le Maroc, les journaux font feu de tout bois :
« Le Rif se révolte ! La contestation risque de se propager à d’autres régions », s’exclame ainsi Le Temps. « Au lieu de prendre des mesures d’apaisement et tenter de désamorcer cette bombe sociale par des moyens pacifiques et intelligents, voilà que les responsables marocains ont opté, encore une fois, pour la manière forte. Cela risque au contraire de nourrir encore la colère de ces milliers de jeunes qui ne demandent que leurs droits : un emploi, un logement décent, de la dignité. »
« La contestation ne faiblit pas dans le Rif marocain », constate pour sa part El Watan. El Watan, dont l’envoyé spécial dans le Rif, Djamel Alilat, a été expulsé hier par les autorités marocaines. Le journaliste algérien avait été interpellé dimanche par la police marocaine à Nador dans le Rif où il couvrait les manifestations. Il a été entendu plus de 24 heures et son matériel a été saisi.
Et puis, pour le quotidien gouvernemental El Moudjahid, « à supposer que le Makhzen (le système de pouvoir marocain) arrive à réprimer le mouvement Hirak, il n’est pas certain pour autant de pouvoir remettre le compteur à zéro. Car les germes ont été semés et, forcément, ils repousseront. (…) Après chaque tentative d’arrachage des jeunes pousses, il se trouvera un autre Nasser Zafzafi pour arroser les germes plantés dans les plaines et les montagnes frondeuses et rebelles du Rif. »