Russie: l'univers du spectacle, ébranlé par une nouvelle affaire

Nous partons à Moscou où une nouvelle affaire secoue le monde du spectacle. Un des metteurs en scène les plus célèbres de Russie est mis en cause dans une affaire de détournement de fonds. Décryptage de Muriel Pomponne.

Il s’agit de Kirill Serebrenikov, metteur en scène de théatre et de cinéma, directeur artistique du centre Gogol de Moscou. Les enquêteurs ont effectué mardi des perquisitions à son domicile et dans le théâtre. Selon le comité d'enquête, ces perquisitions sont liées à une affaire de détournement d’une subvention de l’Etat de 200 millions de roubles (3,1 millions d'euros environ). Cette subvention avait été attribuée entre 2011 et 2014 à la troupe Studio7, que Serebrenikov avait fondé et qui était hébergée par le centre Gogol. Kirill Serebrenikov a été interrogé pendant plusieurs heures et relaché avec le statut de témoin dans cette affaire, tandis que la comptable et l’ex-directeur sont restés en garde à vue.

Ces interpellations ont créé une vague d’indignation

Car les perquisitions au théatre et au domicile du metteur en scène ont été effectuées par des forces spéciales comme une opération commando. Les comédiens – une cinquantaine - qui étaient présents au théatre ont été enfermés le temps de la perquisition et on leur a pris leur portable. Les réactions ont été très nombreuses. Ainsi, l’écrivaine Loudmilla Oulitskaia a déclaré : « Ils tentent de nous voler la chose la plus précieuse dans notre pays : notre culture. »

Pour les artistes russes, comme le metteur en scène Pavel Bardine, il y a une « volonté manifeste d’intimidation », car Kirill Serebrenikov est un artiste indépendant et un homme engagé qui défend les activistes. Dans son avant-dernier film, Le Disciple, qui a eu un prix à Cannes en 2016, le metteur en scènel est très critique à l’égard de l’Eglise russe. En 2015, le ministère russe de la Culture a qualifié ses adaptations des classiques russes d'« inappropriées » et le parquet a procédé à des vérifications sur sept de ses pièces pour soupçons de pornographie, à la demande d’une organisation conservatrice.

Le pouvoir a-t-il réagi ?

En tout cas, Vladimir Poutine a été informé de l’indignation des artistes russes. Le comédien Evgueni Mironov lui en a parlé à l’occasion d’une cérémonie de remise de médaille, et lui a transmis une lettre . Et un artiste pourtant proche du pouvoir, comme le directeur du Bolchoi, Wladimir Ourine, a défendu son confrère, et a écrit à Vladimir Poutine pour lui exprimer son indignation, et rappeler la renommée mondiale de Kirill Serebrenikov.

Mais le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, a appelé à ne pas politiser l’affaire. « Il s’agit de détournement de fonds, pas de politique ou de culture », a t-il déclaré. « La pression sur l’art est inacceptable », a t-il ajouté, « mais il ne faut pas considérer les contrôles comme un moyen de pression. »

Partager :