« Les coups de klaxon ont remplacé les tirs en l’air de kalachnikov. A l’entrée sud de Bouaké, relate Le Monde Afrique, il régnait comme une douce euphorie, hier, à la mi-journée. Bloquées depuis plus de quatre jours, des dizaines de poids lourds pouvaient enfin entrer dans la ville, la deuxième de Côte d’Ivoire. Des taxis-brousse où s’entassaient les voyageurs s’élançaient pour leur part en direction de Yamoussoukro et d’Abidjan. Sur le bas-côté, les représentants des mutins en treillis affichaient des visages détendus. Ils venaient d’annoncer la fin de leur mouvement de contestation qui touchait plusieurs villes de Côte d’Ivoire depuis vendredi. “Nous sommes satisfaits de l’accord, nous rentrons dans nos casernes”. »
Douloureuse douloureuse
C’est donc la fin de la mutinerie qui avait débuté en fin de semaine dernière. Le gouvernement a été contraint de mettre la main au portefeuille et la facture est plutôt salée, comme le précise La Tribune Afrique qui a fait les comptes… « Le plus grand secret entoure pour le moment le contenu du “deal” scellé avec les mutins. Mais selon des informations qui fuitent, on croit savoir que l’Etat ivoirien a décidé de verser dans un premier temps 5 millions de FCFA aux 8 400 mutins. Soit 42 milliards. Et ce n’est pas tout, s’exclame encore La Tribune Afrique. En juin prochain, l’Etat devra ensuite débloquer 16,8 milliards pour remettre un troisième versement de 2 millions chacun. Au total, en l’espace d’un mois, l’Etat devrait donc débourser près de 59 milliards de FCFA pour éponger l’ardoise des primes dues aux mutins. Toute la question est de savoir maintenant comment l’Etat va décaisser cette enveloppe, alors qu’une semaine plus tôt, il annonçait des coupes budgétaires pour faire face à une situation économique difficile. »
Et ça n’est pas tout, pointe encore La Tribune Afrique, « à l’enveloppe que l’Etat ivoirien doit décaisser, il faut désormais y ajouter l’addition de quatre jours d’arrêt des activités dans le pays. Il faut aussi joindre à cette note, les dégâts matériels observés dans les différentes villes et dans une moindre mesure, les actes de vandalisme. Sans compter l’impact que ces quatre jours de peur auront sur l’image d’une Côte d’Ivoire qui s’apprête à accueillir en juillet prochain, les Jeux de la Francophonie. »
Pour combien de temps ?
Qui plus est, la boite de pandore a été ouverte… « Paix des braves ou simple accalmie ? s’interroge Wakat Séra au Burkina. […] Pour combien de temps ? Juste le temps que les humeurs changent de nouveau et que les comptes des militaires mécontents tendent vers le rouge ou s’assèchent au rythme de leur train de vie effréné ? Les revendications et manifestations ne manqueront jamais. Du reste, les fonctionnaires, qui travaillent souvent dans une précarité criarde, ne seront pas moins tentés de descendre dans la rue. L’Etat répondra-t-il avec la même promptitude à leurs doléances, eux qui n’ont pas de fusils ? Ou alors les mutins, pardon les militaires, seront-ils appelés à la rescousse pour les mater, comme on le voit souvent sous les tropiques ? Le volcan ivoirien n’est visiblement qu’en phase sommeil et risque à tout moment d’entrer en éruption. »
Et maintenant les fonctionnaires ?
En effet, prévient le site Connection ivoirienne, « les jours à venir seront très sombres pour le pays. La grogne sociale n’est pas à son terme. Si le gouvernement peut très rapidement trouver les moyens de payer les 8 400 militaires, alors il peut également résoudre le problème des fonctionnaires. Ces derniers ont montré une certaine sagesse et une maturité, mais ils sont en droit de réclamer le paiement intégral de leurs arriérés de salaires. Il est moralement injuste de demander aux uns une trêve et accorder aux autres une attitude bienveillante. C’est une erreur de croire que ceux qui n’ont pas les armes sont moins dangereux que ceux qui en possèdent. Il y a des moments où le silence est plus dangereux que le crépitement des armes. »
« Pour tout dire, conclut Aujourd’hui, c’est un répit que le pouvoir ivoirien a obtenu, une paix bancale qu’il gagnerait à mettre à profit pour nettoyer les écuries de ces mutins prompts à renouer avec leur passe-temps favori, la menace armée, ignorant souvent que la gestion d’un Etat s’accommode mal avec le maximalisme du canon. Une solution qui tient la route s’impose, ou alors les trois dernières années du quinquennat risquent d’être un véritable calvaire. »
En effet, pointe encore le quotidien ouagalais, « rien n’exclut qu’après avoir fini de digérer les 12 millions de FCFA de primes, les faiseurs de roi ne soient tentés encore de repartir vers la cruche pleine de miel. Car ils ont compris qu’il suffit de taper dedans pour que la friandise tombe. Sans coup férir. »